Le millet commun mérite toute notre attention

 

Mots-clefs : Panicum miliaceum, millet commun, Setaria italica, millet des oiseaux, céréale, Chine, Eurasie, alimentation humaine, tolérance à la sécheresse, valorisation de l’eau, agriculture raisonnée, agroécologie, nutrition, saveur

L’une des plus anciennes céréales de la planète
La découverte récente de puits de stockage de grains et de phytolithes de millet commun ou gros millet (Panicum miliaceum L. subsp. miliaceum) sur le site néolithique de Cishan dans le bassin moyen du Fleuve Jaune, montre que la culture du millet commun était établie dans les zones semi-arides de la Chine du nord aux alentours de 10 000 AEC même si la période initiale de sa culture reste à déterminer. Cette graminée de la sous-famille des Panicoideae aurait été alors une céréale d’appoint alimentaire pour certains des peuples chasseurs-cueilleurs de la région.
Il est fort probable que cette zone soit également le centre de domestication de l’espèce, même si certains auteurs ont pu suggérer des événements multiples de domestication.

Une grande voyageuse précoce
Son expansion de l’Asie centrale vers l’Inde, puis l’Europe proviendrait de populations natives de Chine de l’ouest, à proximité du sud-ouest du plateau de lœss, après une première diversification précoce de l’espèce cultivée en Chine du nord entre 9000 et 7000 AEC où ce millet aurait constitué un complément alimentaire régulier chez diverses cultures dans une période de transition de chasse et de collecte vers l’agriculture. Entre 7000 et 6000 AEC, la culture sèche du millet commun à des fins de subsistance était pleinement établie en Chine du nord.
Le millet commun a été retrouvé de manière incontestable vers 3200 AEC dans le nord-est du plateau tibétain, vers 2500 AEC dans le corridor du Hexi et autour de 2200 AEC à Bégash dans l’est du Kazakhstan d’où il pourrait avoir rejoint ultérieurement le bassin de la Caspienne et les territoires actuels de la Turquie et de l’Iran.
L’espèce semble aussi avoir été introduite par la civilisation Yamnaya des steppes pontiques dans le bassin du Danube et le nord de la Grèce à la fin du troisième millénaire AEC simultanément au cheval. Bien intégrée dans l’agriculture européenne à partir de 1500 AEC, elle y conservera une place importante jusqu’à la fin du XVIIe s (période de développement du maïs).
Dans la direction opposée, vers 3500 AEC, le millet commun était simultanément présent en Extrême-Orient russe et au milieu de la période Chulmun dans la péninsule coréenne. On le trouve ensuite au Japon au milieu du Ier millénaire AEC dans le sud de Honshu à peu près au même moment que le riz, suggérant une introduction commune. D’autres introductions plus tardives de millet commun dans le nord de Honsu et à Hokkaido semblent provenir du nord du Heilongjiang ou de Russie orientale.

Pourquoi faut-il s’intéresser de nouveau à ce millet ?
En notre période de réchauffement climatique, rappelons-nous en priorité ce fait trop souvent méconnu et pourtant fondamental : le millet commun, plante en C4, est la céréale d’été à cycle court, voire très court selon les variétés (60-90 jours), la plus tolérante à la sécheresse et valorisant le mieux les apports en eau. Adaptée aux climats tempérés, elle tolère également mieux le froid que son cousin, le millet des oiseaux (Setaria italica subsp. italica (L.) P. Beauv),
La rusticité de cette céréale, son faible besoin en intrants, sa compétitivité relative vis-à-vis des adventices ainsi que sa large capacité d’adaptation à un grand nombre de zones agro-climatiques en font une excellente recrue pour l’agriculture raisonnée et plus encore pour l’agroécologie.
Enfin, au niveau nutritionnel, les grains décortiqués de millet commun s’avèrent riches en protéines, en fibres alimentaires, en polyphénols, en minéraux (phosphore, calcium, zinc, fer, magnésium) et en vitamines (niacine, complexe B, acide folique). C’est une céréale sans gluten, riche en lécithine, favorable au bon fonctionnement du système nerveux central. Elle présente un faible index glycémique et sa consommation régulière limite le risque de diabète de type-2.
Et de plus, consommé en soupes, en bouillies, en grains cuits à l’eau bouillie comme du riz ou grillés, en pains ou en pâtisseries, voire transformé en bière ou en alcool, ce millet a bon goût !

Bibliographie 
Houyuan Lu et al. (2009). Earliest domestication of common millet (Panicum miliaceum) in East Asia extended to 10 000 years ago. PNAS 106 18, 7367-7372.
Harriet V. Hunt et al. (2011). Genetic diversity and phylogeography of broomcorn millet (Panicum miliaceum) across Eurasia. Molecular Ecology 20, 4756-4771.
Harriet V. Hunt, Anna Rudzinski, Hongen Jiang, Ruiyun Wang, Mark G. Thomas et Martin K. Jones. (2018). Genetic evidence for a western Chinese origin of broomcorn millet (Panicum miliaceum). The Holocene 28,12, 1968-1978.
Harriet V. Hunt et al. (2008) Millets across Eurasia : chronomogy and contexte of early records of the genera Panicum and Setaria from archaeological sites in the Old World. Vegetat. Hist. Archaeobot. 17, S1, S5-S18
D.D. Baltensperger. (2002). Progress with proso, pearl and other millets. In: Janick J and Whipkey A (eds) Trends in New Crops and New Uses. Alexandria, VA, ASHS Press, 100–103.

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer