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La carline à feuilles d’acanthe : « baromètre du berger » !

La première fois où j’ai observé la carline à feuilles d’acanthe (Carlina acanthifolia subsp. acanthifolia1, All., 1773), ou cardabelle, chardon baromètre, chardousse, pinchinelle, soleil des herbes (allemand : Akanthusblättrige Eberwurz, dornrose ; anglais : Acanthus-leaved Carline-thistle ; espagnol : Carlina ; italien : Carlina zolfina), je venais d’avoir onze ans et je m’en souviens très bien car, poussant au ras du sol et d’assez grande taille, c’est une plante particulière et peu fréquente de ma Basse-Auvergne natale.
Cette découverte s’est passée sur la commune de Pardon qui fait face à l’alignement et au relief si particuliers des volcans du sud de la chaîne des Dômes en recherchant des coulemelles et des mousserons avec mes grands-mères et ma sœur. C’était en juillet dans une pelouse sèche à genévrier, genêt à balais, panicaut champêtres, pentue, orientée vers l’ouest, sous un bois planté de sapins pectinés et de pins sylvestres. Je ne savais pas encore que ce beau chardon à fleur unique était membre de la famille des Astéracées.

Plantes entières en végétation un jour d’humidité sur le Causse Méjean, @FrançoiseBonjeanDouche
Plantes entières en végétation en voie de dessication en Lozère, @ https://www.raynaldethien.fr/La_flore_du_Massif_Central.html

Ma grand-mère maternelle qui pratiquait la pharmacopée m’a appris que, jeunes, les « fleurs » de carline (ce sont en fait des capitules à réceptacle épais riches en inuline) pouvaient être cuites et mangées comme celles des artichauts ou transformées en confitures si les ânes et les mulets qui, paraît-il les adorent, ne les avaient pas broutées auparavant.
Aussi que, depuis des siècles, les bergers utilisaient les feuilles de cette plante pour faire cailler le lait des brebis et des chèvres, avant de le transformer en fromage. Et qu’ils avaient observé que la carline s’ouvre quand il fait beau et se ferme quand il va faire mauvais temps, d’où son nom de « baromètre du berger » (elle se referme aussi la nuit).
Elle a encore signalé que cette plante était sensée porter bonheur. Du coup, certaines personnes la clouent par tradition sur la porte de leur foyer ou l’y représentent : « peut-être, est-ce une réminiscence du culte solaire de nos ancêtres ibéro-ligures qui ont dressé menhirs et dolmens jusque sur les côtes atlantiques », avait-elle ajouté.

Porte de Saint-Jean-du-Gard décorée d’une carline et détail du bas-relief, @FrançoiseBonjeanDouche


J’ai su plus tard que cette carline est une plante2 bisannuelle que certains botanistes considèrent parfois vivace (2 n = 20, probablement diploïde)3. Acaule et à racine pivotante très profonde, elle se présente sous la forme d’une rosette de longues feuilles assez étroites, à lobes coriaces et épineux, appliquée au sol, au centre de laquelle se trouve un grand capitule plat (8-15 cm), doré, bordé de fleurs ligulées (faux pétales) avec en son centre des fleurs tubulées hermaphrodites, très serrées – le tout très semblable à un capitule de tournesol. La floraison centripète s’étale de juillet à septembre et n’a lieu qu’une fois dans la vie de la plante. Elle attire de nombreux insectes (bourdons, abeilles, papillons, etc.). Une fois la plante fécondée (autogamie et entomogamie), elle meurt et laisse échapper des centaines de graines (akènes) couvertes de poils jaune d’or, surmontées d’une coiffe en forme de parasol que le vent dissémine ici et là.

Cette espèce orophyte d’Europe méridionale et médiane et de Turquie aime la lumière et croît entre 600 et 2200 m d’altitude. En France, on la trouve dans les périmètres suivants : Bugey, Lyonnais, Savoie, Dauphiné, Provence, Alpes-Maritimes, Puy-de-Dôme, Cantal, Haute-Loire, Ardèche, Aveyron, Lozère, Gard, Hérault, Corbières, Pyrénées-Orientales4 ; l’espèce était autrefois fréquemment cultivée dans les jardins de certaines de ces régions.

Distribution nationale de la carline à feuilles d’acanthe. Source : https://inpn.mnhn.fr/

Au niveau de la pharmacopée, la racine séchée au soleil était connue pour être amère, aromatique, diurétique et sudorifique. Une publication serbe récente a confirmé ses activités antimicrobiennes, anti-inflammatoires, antiulcéreuses et antioxydantes5.

Attention, aujourd’hui, cette jolie plante est protégée dans de nombreuses régions d’Europe.

Alain Bonjean,
Orcines, 21 septembre 2020.

Mots-clefs : carline à feuilles d’acanthe, Carlina acanthifolia, Astéracée, plante sauvage, plante ornementale, plante comestible, plante médicinale, plante porte-bonheur, plante protégée

1 – Il existe dans la flore française une autre sous espèce subsp. cynara, plus montagnarde, la carline artichaut ou carline cendrée, essentiellement pyrénéenne et un peu auvergnate ; https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-14562-synthese

2https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-14561-synthese ; https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/89145 ; https://pifh.fr/donnees/fiche_descriptive/OuvrirFicheDescriptive/89145-0

3https://www2.dijon.inrae.fr/flore-france/car.htm

4https://quelle-est-cette-fleur.com/Fiches-botaniques/carline-a-feuilles-d-acanthe.php

5 – Sofija Dordevic et al. (2007). Antimicrobial, anti-inflammatory, anti-ulcer and antioxidant activities of Carlina acanthifolia root essential oil. Journal of Ethno-Pharmacology 109, 458-463.

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