L’arbre à pain ou châtaignier d’Europe1(Castanea2 sativa Mill., 1768 = C. vesca Gaertn. = C. vulgaris Lamk.) est un bel arbreau feuillage dense, caduc, et au port globuleux des régions tempérées, plutôt du sud de nos contrées3. Il appartient à la famille des Fagacées – au même titre que chênes et hêtres. Il a longtemps été cultivé pour ses fruits ou châtaignes qui peuvent être moulues en farineet l’est de plus en plus pour son bois de qualité. Cette pseudo-céréale mellifère4 peut vivre plusieurs siècles et même dépasser le millénaire.


Belle haie de châtaignier et arbre âgé remarquable des bordures ouest de la grande Limagne ©AlainBonjean.
D’un point de vue botanique5, c’est un arbre élevé à écorce fendillée en long, grisâtre, et aux feuilles alternes, grandes (10 à 20 cm), pétiolées à limbe entier, oblongues-lancéolées, glabres et luisantes en dessus, dentées-cuspidées ; sur les arbres les plus jeunes, les feuilles deviennent brunes en automnes mais ne tomberont qu’au printemps suivant juste avant la nouvelle pousse.
A l’état isolé, il peut atteindre 25-30 m de haut, avec des branches puissantes et une cime étalée. Son tronc rectiligne est gros et relativement court. Il peut aisément mesurer 4 à 6 m de circonférence la base et peut chez les sujets âgés largement dépasser cette taille6, l’écorce s’exfoliant alors en lanières chez ces individus.
L’espèce est monoïque. Les inflorescences sont de longs chatons dressés (10-30 cm) porteurs de fleurs mâles et femelles réunies tandis que certains portent uniquement des fleurs mâles, ou plus rarement uniquement des fleurs uniquement femelles.
Les inflorescences mâles naissent à l’aisselle des feuilles sur les rameaux de l’année. Chaque fleur mâle blanc-crème a un périanthe en cloche subdivisé en 6 lobes et 6-15 étamines, produisant beaucoup de pollen7 ainsi qu’une odeur très pénétrante attirant les insectes. L’espèce est protérandique, c’est-à-dire que les fleurs mâles arrivent à maturité avant les fleurs femelles. Cette situation prévient l’autopollinisation, qui est encore entravée par des phénomènes d’auto-incompatibilité. En outre, chez certaines variétés certains spécimens présentent des fleurs mâles stériles et dépendent donc pour leur reproduction de la présence dans la même forêt d’autres individus mâles fertiles.
Les inflorescences femelles, solitaires ou groupées par deux ou trois sont localisées à la base des chatons. Les fleurs femelles sont généralement réunies par une à quatre, le plus souvent deux ou trois, dans un involucre de bractées d’où dépassent les styles : la cupule ; cette cupule va s’accroitre en même temps que les fruits qui sont des akènes, sa paroi va s’épaissir et se couvrir de longues épines nombreuses et acérées pour constituer la bogue du fruit, enveloppe épineuse et imperméable.
La pollinisation est essentiellement assurée par le vent en climat sec ; toutefois en climat plus humide, les abeilles et d’autres insectes y contribuent. La germination du pollen nécessite une basse hygrométrie et des températures inférieures à 27-28°C.
En moyenne, en France, la floraison a lieu en juin-juillet et s’accompagne d’une odeur fade spermatique, tandis que la fructification s’effectue en octobre. Les bogues tombées sur le sol s’ouvrent par deux ou quatre valves et libèrent généralement 2-3 fruits, voire 1 à 7 fruits, nucules ou châtaignes, à une seule graine qui sont des akènes globuleux à tégument épais, de 10 à 25 g, au sommet desquels se trouvent les restes des stigmates de la fleur. Ils sont revêtus d’un tégument très riche en tanins, le tan, qui cloisonne plus ou moins l’amande. Toutefois, chez certains cultivars, il existe une châtaigne unique par bogue et l’amande n’est pas cloisonnée : elle porte alors le nom de marron8. Un arbre adulte peut produire environ 60 à 70 kg de châtaignes par an ; pour cela, le châtaignier demande au moins 700 mm de précipitations dans l’année9.

L’espèce paraît aujourd‘hui spontanée en Asie de l’ouest et en Europe du sud de la Mer Caspienne au Portugal, dans les îles méditerranéennes et en Afrique du nord (Algérie10, Maroc11, Tunisie), essentiellement dans des zones à sols acides12.

Lors la dernière glaciation de Würm13, il aurait quasiment disparu d’Europe, sauf quelques poches refuges (Espagne, Suisse, Italie du nord), et se serait essentiellement maintenu dans des zones refuges d’Asie de l’ouest.
Le centre d’origine du châtaignier est supposé provenir de l’est de la Turquie ou du Caucase14. Vers 5000 AEC, la culture du châtaignier gagne le nord du monde grec et le sud de l’Italie à partir de la Transcaucasie, de l’Arménie et de Perse15. Dans cette première vague correspondant à l’éclaircissement néolithique des forêts par les premières migrations d’agriculteurs et à une baisse de la compétition entre les arbres, Sa version pré-domestiquée accompagne les mouvements migratoires humains et atteint les Alpes vers 3000 AEC, puis la France, l’Espagne et l’Allemagne autour de 2000 AEC16. Avant l’antiquité classique, le châtaignier était connu dans le nord de la Grèce tout en étant ignoré des Athéniens17.


Dans une seconde vague associée à sa domestication, qui suit autour de l’Arménie à compter de 2000 AEC, puis durant l’expansion romaine, la présence du châtaignier se renforce en Europe19 sans que ce flux s’accompagne d’une différenciation génétique20 significative.
Vers 1000 AEC, sa distribution est à peu près équivalente à celle d’aujourd’hui21, à l’exception de la Bretagne et de l’Angleterre qui furent colonisées plus tard22. Au IVe siècle AEC, le philosophe Théophraste témoigne du fruit et le nomme « gland de Zeus ». Le monde romain à l’âge classique nomme la châtaigne castanea, en Italie23 et dans l’ouest de la Méditerranée, puis sa culture se développe dans une grande partie de l’Europe au Moyen-Âge au nord des Alpes (Autriche, Hongrie, Roumanie, Slovaquie, ex-Yougoslavie) jusqu’en Grande-Bretagne où l’arbre fructifie difficilement.
Le châtaignier est inscrit par Charlemagne en 812 dans la liste des arbres à propager du Capitulare de villis imperialibus de Charlemagne. Il apparaît dans le plan du cloître de Saint-Gall qui date de 820 et dans la liste d’arbres utiles de la Physica de l’abbesse bénédictine Hildegarde de Bingen (1098-1179).

Récemment, dans les années 2000, on estimait que le châtaignier couvrait 2,53 millions d’hectares en Europe, dont 2, 22 millions d’hectares de forêts – ces dernières étant dédiées pour 1,75 million d’hectare (79%) à la production de bois et pour 0,43 million d’hectare (19%) à la production de châtaignes24. La plantation fruitière fait appel à des sujets greffés mais est en régression comme dans toute l’Europe face à une forte concurrence asiatique, liée aux châtaigniers de cette région du monde.

En France25, le châtaignier paraît sauvage ou subspontané en Corse, dans le Massif des Maures, dans les Cévennes méridionales et dans les Pyrénées orientales. Il a été cultivé dans tout le territoire national sauf dans le nord et l’est à l’exception des Vosges alsaciennes où on le retrouve au-dessus de la zone de la vigne. De manière générale, le châtaignier est un arbre des collines et des basses montagnes où il affectionne les terrains profonds siliceux (il craint les sols filtrants et le calcaire), bien meublés, à bonne réserve en eau. Dans le Massif Central, le châtaignier, sensible aux gelées tardives, dépasse rarement 700 m d’altitude, mais peut, parfois avoisiner 1000 m dans des zones très bien exposées.

Pour revenir à son histoire métropolitaine, celle-ci s’accélère au cours du Xe siècle lorsque les monastères, seuls lieux d’instruction de l’époque, développent l’agriculture. Un auteur ardéchois26 nous précise qu’alors « les Bénédictins défrichent, plantent, greffent et entretiennent les châtaigniers dans le but de subvenir aux besoins alimentaires d’une population qui se groupe autour des monastères ». Selon diverses sources historiques, le châtaignier tient ensuite une place importante dans le paysage de différentes régions dès les dates suivantes : XIIe s. (Dordogne27, à l’exception du Bergeracois où la viticulture est préférée), XIIIe s. (apparition massive des greffes mais aussi de réglementations, redevances, complants), XIVe s. (Cévennes28, Périgord29), XVIe (Ardèche30, Aveyron, Corse31), XVIIe (Limousin, Auvergne). Un système autarcique basé sur la châtaigne va régner quelques siècles32 qui s’avérera un grand succès notamment en pays cévenol où le châtaignier fut longtemps la première ressource alimentaire locale, mais aussi dans nombre d’autres châtaignerais régionales. Aux XVIe et XVIIe siècles, la castanéiculture se renforce pour faire face à la croissance démographique. Ainsi, en Corse, le châtaignier présent dès le XIe s. ne s’y développe avec force qu’après 1548 quand Gênes l’impose à la population de bergers. Autre exemple, l’Aveyron où la châtaigne et le seigle constituaient la base de l’alimentation du Ségala à la même période.
Sous la Révolution, les châtaigneraies atteignaient un million d’hectares33. En 1852, bien qu’une partie de ces plantations aient été défrichées entre 1820 et 1850 pour cultiver des céréales, à elle seule, la culture du châtaigner- fruitier (hors forêt mixte) occupe encore près de 580 000 ha en France et sa production est estimée à 512 000 tonnes en 188034, puis 757 000 tonnes en 188635.
C’est alors un âge d’or de la châtaigneraie française, même si dès le XVIIIe siècle, le châtaignier a souffert de préjugés. Certains moralisateurs ont en effet voulu voir en sa production une incitation à la paresse et à la révolte, un frein au développement du progrès, notamment à l’utilisation de nouveaux outils et une incitation à négliger la culture des grains. En 1790, Juge de Saint-Martin36 écrit ainsi : « J’ai souvent ouï dire par des personnes aussi respectables par leurs bonnes intentions que par leurs places importantes que l’abondance des châtaignes dans le Limousin était une des causes qui rendent le laboureur paresseux qui en détruisant presque entièrement l’arbre qui les produit la Province aurait une subsistance plus assurée. Que d’ailleurs les manipulations qu’exige leur apprêt sont gênantes, qu’il faut un temps considérable pour les conserver, de la dépense pour les sécher. Inconvénients qu’on ne trouve pas dans la récolte des grains … ». Gasparin37, plus virulent encore, ajoutait en 1857 : « Une alimentation que on croit assurée dégoûte homme des travaux pénibles, c’est la chasse qui devient son occupation favorite ; avec elle … le caractère s’aigrit, devient farouche ; les passions violentes remplissent le cœur et il s’établit entre les familles jalouses des avantages que procure plus d’adresse ou plus de diligence, des haines qui les isolent. »
Hélas, dès la période 1860-1870 la maladie de l’encre38, surgit et attaque sévèrement certaines châtaigneraies. Malgré le contexte de l’exode rural qui n’était guère favorable à leur entretien, on introduisit vers 1900 des espèces et variétés de Castanea d’Asie pour tenter de vaincre cette maladie par greffe ou croisement sexuée. En dépit de ces efforts, en 1905, il n’existait plus que 300 000 hectares de châtaigneraies en métropole qui produisirent 336 000 tonnes de châtaignes39.
Vers 1930 la déprise humaine liée à l’exode rural, la chute des cours, l’extraction industrielle du tan, la concurrence d’autres cultures et la diversification de l’alimentation entamèrent encore un peu plus la popularité de la culture de la châtaigne. Cependant, durant la seconde guerre mondiale, l’arbre à pain nourrit de nouveau une partie de la population et le déclin des châtaigneraies fut interrompu pour quelques années avant qu’à la fin des années 1950 l’apparition du chancre de l’écorce40, originaire de l’Asie, porte un nouveau coup sévère à cette production. En 1975, 32 000 ha de châtaigneraies subsistaient en France et leur production se limitait à 42 000 tonnes en 1976.

Depuis l’INRA et le CTIFL ont continué de travailler sur les greffes et sur l’hybridation pour retrouver un certain dynamisme à cette filière même si dès 2005, un insecte d’origine chinoise, le cynips du châtaignier (Dryocosmus kuriphilus)41 s’est à son tour attaqué aux châtaigneraies. La lutte génétique se poursuit aujourd’hui incluant à la fois l’introgression de résistances chez le châtaignier et des moyens de contrôle biologique42 de ce parasite et d’autres insectes. A noter également que depuis 2014, la châtaigne d’Ardèche a obtenu une AOP (Appellation d’Origine Protégée) qui rassemble 188 communes d’Ardèche ainsi que quelques-unes du Gard et de la Drôme et qu’en 2014, un partenariat INRA, CTIFL et Invenio a mis au point une nouvelle variété de châtaigne, Bellefer43, conçue spécialement pour l’industrie (fabrication de purée de marron, yaourts, pâtisserie…), elle est plus petite, s’épluche très facilement et possède un goût de marron sucré très prononcé.
Aujourd’hui, le châtaignier est devenu en France avant tout une espèce forestière :
– Il est la troisième essence feuillue française44 avec environ 744 000 d’hectares de forêts où il est l’essence principale à au moins 75% (dont 344 000 ha où il forme un peuplement monospécifique), ce qui représente un peu plus de 130 000 millions de m3 de bois avec une production annuelle de 7 à 8 m3/ha/an.
– La production de châtaignes et de marrons s’est énormément réduite et est concentrée principalement dans les deux régions Auvergne-Rhône-Alpes et Sud-Ouest45 (en gros pour moitié dans chacune). Sur la période 2015-2017, la surface de la châtaigneraie française 46est tombée à 8 017 ha et la production à 7 291 tonnes (dont 5 584 tonnes valorisées en frais et 1 407 tonnes destinées à être transformée47 ; au niveau géographique, 48% de cette production provient d’Auvergne-Rhône-Alpes, 18% d’Aquitaine et 8% de Midi-Pyrénées avec des démarches de qualité : 2 AOC (Corse et Ardèche), AOC/AOP Châtaignes des Cévennes et IGP du Sud-ouest). La France est aujourd’hui le quatrième producteur européen de châtaigne, après l’Espagne, la Grèce et le Portugal.

En termes d’usages, il convient de rappeler que le châtaignier a souvent été la providence nos ancêtres et les a protégés des disettes les années où les céréales produisaient peu. Selon les régions, on constatait quatre profils de consommation :
– une consommation type denrée de base tout au long de l’année à tous les repas et sous la même forme que les céréales (Corse, Apennins) ;
– une consommation saisonnière étalée, surtout énergétique du matin, durant 3 à 7 mois, en frais puis en sec (Auvergne, Cévennes, Limousin, Périgord, Vivarais) ;
– une consommation saisonnière courte type aliment de soudure de 1 à 3 mois principalement le soir et en frais (Bretagne, Pyrénées) ;
– une consommation occasionnelle dans les villes et régions éloignées des centres de production.
Nutriments | Châtaigne | Blé | Riz blanc |
Protéines, g | 2 | 5,1 | 2,3 |
Lipides, g | 1,25 | 0,66 | 0,20 |
Glucides, g | 26,1 | 30,4 | 26,3 |
Eau, g | 65,8 | 60,7 | 70,4 |
Fibres, g | 4 | 2,58 | 0,7 |
Vitamine B1, mg | 0,05 | 0,05 | 0,02 |
Vitamine B2, mg | 0,07 | – | 0,01 |
Vitamine B6, mg | 0,22 | 0,5 | 0,05 |
Les châtaignes consommées fraîches ou plus souvent séchées48, sont des fruits49 amylacés (78% de glucides50 pour seulement 4-5% de lipides) peuvent simplement se manger entières cuites, grillées ou en confiseries (marrons glacés) ou réduites en farine et donner alors lieu à de multiples usages, mélangées à de l’eau ou à du lait51 (bouillies, soupes, purées, pains dits pains de bois52, confitures, etc.). Leur richesse en sels minéraux (calcium, cuivre, fer, manganèse, phosphore, potassium, sélénium, zinc, etc.) et en vitamines B1, B2, B6, B9 et surtout C sont à souligner. Par suite, leur consommation est particulièrement recommandée durant la saison froide afin de parer au stress et à la fatigue d’autant que la châtaigne possède un fort pouvoir de satiété, n’apporte pas de gluten et une charge glycémique modérée. La châtaigne est également riche en fibres douces et bien tolérées, même par les intestins les plus fragiles. La châtaigne s’avère, parmi les fruits et légumes, celui qui contient le plus de polyphénols totaux. Parmi les acides gras qu’elle contient, il y a l’acide oléique, reconnu pour ses bienfaits sur la fonction cardiovasculaire et la glycémie. Quant à l’acide linoléique qu’elle renferme, il a des effets bénéfiques sur le taux de lipides sanguins. Enfin, la châtaigne, alcalinisante, permet de lutte contre l’acidose53 tout en contribuant à notre plaisir vu ses caractéristiques organoleptiques et sa grande richesse en composants volatils54.
Les châtaignes entrent également dans la composition de sirops, bières et liqueurs régionales (Ardèche, Cantal, Corse).
Les châtaigneraies ont souvent aussi une importance alimentaire et écologique indirecte car elles produisent des cèpes et d’autres champignons comestibles du fait des associations symbiotiques instaurés entre les racines de châtaignier et les hyphes de divers champignons. Les châtaignes ont aussi souvent servi à engraisser les porcs, et ce notamment en Corse.
Les feuilles de châtaignier jeunes, ce que peu savent encore, sont consommables en salades. Ensuite, elles servent à enrober certains fromages, tel le fameux banon de Provence, ou à cuire des pâtisseries, comme les falculelles du centre de la Corse55. Par le passé, elles étaient employées dans la confection de matelas ou comme fourrages ou litières d’animaux. Les feuilles âgées et les bogues, très riches en potasse, peuvent aussi être compostées.

Le bois du châtaignier est un bois de qualité. Il est naturellement écologique car riche en tanins56, il est imputrescible résistant aux insectes, aux vers, aux araignées et autres parasites ainsi qu’à la pourriture – ce qui fait qu’il peut être utilisé en extérieur comme en intérieur.
Celui du tronc, brun mi-lourd, très durable et pourtant relativement élastique, est très employé en tonnellerie et en menuiserie (charpentes, meubles, parquets, lambris, articles ménagers, castagnettes, cercueils) mais aussi pour fabriquer des panneaux de particules et de la pâte à papier.
A noter que l’espèce rejette facilement de souche si elle est coupée. Imperméable et élastique, fendant facilement, le châtaignier est aussi préposé à la fabrication de piquets, d’échalas et de bardeaux ainsi qu’en vannerie ou pour la production de tanins. Par contre, comme bois de chauffage, il doit être réservé aux foyers fermés car il noircit et lance, en éclatant, des étincelles loin du feu.
Dans la pharmacopée européenne57, ses fruits, ses chatons, ses feuilles et son écorce ont été utilisées sans que la plante soit considérée comme une simple de premier ordre.
Les châtaignes le furent néanmoins assez souvent contre les diarrhées et dysenteries des enfants ou, vu leur teneur en vitamine C, contre le scorbut. On a aussi prêté parfois à la châtaigne une action aphrodisiaque chez l’homme (sans doute par similitude avec la forme de ses testicules). De manière plus ésotérique – l’effet placebo date de longtemps, Hildegarde de Bingen recommandait leur consommation pour renforcer la sensibilité nerveuse et l’activité intellectuelle : « Mais aussi l’homme dont le cerveau est vide et qui est donc faible de la tête, qu’il fasse bouillir les fruits de cet arbre dans de l’eau et qu’il les prenne souvent à jeun et après le repas, et son cerveau croît et est rempli, ses nerfs deviennent solides et les maux de tête disparaissent. »
Les chatons en décoctions (15 à 20 g par litre d’eau) sont également efficaces contre les diarrhées.
Les feuilles, riches en tanins, flavonoïdes, triterpènes et vitamine C soignent en infusions (30g par litre d’eau) bronchites, coqueluches, quintes de toux et troubles de la circulation veineuse. En décoctions avec de l’écorce, elles réduisent les irritations de la gorge et soignent également les diarrhées.
Tout ceci explique qu’en certaines région de France et d’autres pays européens, pour décrire les multiples emplois du châtaignier, de nombreux auteurs aient fait état d’une « civilisation de la châtaigne » !
Alain Bonjean,
Orcines, le 5 décembre 2020.
Mots-clefs : arbre à pain, châtaignier, Castanea sativa, arbre caduc, arbre forestier, arbre fruitier, châtaigne, marron, bois, pseudo-céréale, nutrition, plante mellifère, plante médicinale, Europe méridionale, Asie de l’ouest, Afrique du nord,
1 – Autrefois, aussi appelé arbre à pain, arbre à saucisses, castanier, castarède, châtaignier-marronnier, chestan, cosagnouse, gland de Sardaigne, noix d’Hêraklion, pain des pauvres, pelou en France. En anglais, sweet chesnut ; en allemand, edelkastane, kastanienbaum ; en italien, castagno ; en espagnol, castaño.
2 – Le genre Castanea regroupe une douzaine d’espèces des zones tempérées froides à chaudes de l’hémisphère nord (Etats-Unis, Afrique du nord, Europe méridionale, îles méditerranéennes, Turquie, Iran occidental, Chine, Japon) qui partagent le même nombre chromosomique, 2n = 24. Les trois autres espèces principalement cultivées sont les châtaigniers chinois (Castanea mollisima Blume), japonais (C. crenata Sieb. et Zucc.), et américain (C. dentata Borkh.).
Au niveau étymologique, Castanea dérive du grec Kastanon (κάστανον) qui désigne le châtaignier et parfois le chêne. Il pourrait aussi provenir d’une ville de la Thessalie, province du nord-est de la Grèce, Kastanca célèbre pour la qualité de ses châtaignes.
Pour en savoir plus, lire : Aimée Camus (1929). Les châtaigniers, monographie des genres Castanea et Castanopsis. Paris, Ed. Paul Lechevalier, 604 p. ; Paul. S. Manos and Alice M. Stanford (2001). The historical biogeography of Fagaceae tracking the tertiary history of temperate and subtropical forests of the Northern hemisphere. Int. J. Plant Sci. 162, 6 suppl., 577-593 ; O. Colin (1996). Les châtaigniers dans le monde : un aperçu du genre Castanea. Bulletin de l’Association des Parcs Botaniques de France 1, 22, 16-25.
3 – Cet arbre très utile craint les gelées hivernales. Beaucoup de châtaigneraies ont été détruites en France durant les grands hivers de 1685, 1709, 1766, 1789, 1870, 1879 ou plus près de nous en 1956.
4 – Le châtaignier secrète du nectar et un peu de miellat. Son miel corsé reste liquide plusieurs mois et cristallise lentement. Il présente une odeur forte et une couleur sombre allant du jaune foncé au noir ; son pollen, très abondant, se retrouve dans les miels de printemps.
5 – https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-14752-synthese ;
6 – Un châtaignier millénaire qui a grandi sur les pentes de l’Etna en Italie possède 4 troncs et mesure 55 mètres de circonférences. Il a été surnommé « le châtaignier des cent chevaux » car à la Renaissance, il aurait accueilli sous son feuillage une reine de Naples, Gionvana I d’Angio avec une centaine de cavaliers.
7 – Le pollen de châtaignier émis en même temps que le pollen de nombres de graminées est un facteur d’aggravation allergénique pour les patients polysensibles.
8 – Pour en savoir plus sur la distinction entre châtaigne et marron, lire : Lucie Dupré (2005). Classer et nommer les fruits du châtaignier ou la construction d’un lien à la nature. Natures Sciences Sociétés 13, 395-402 ; https://www.zoom-nature.fr/marrons-ou-chataignes-leternel-marronnier/
Attention : ne pas confondre le marron de châtaignier avec le marron d’Inde (en fait originaire de Grèce et d’Albanie), fruit d’un arbre d’ornement, le marronnier d’Inde, Aesculus hippocastanum, aux fruits toxiques.
9 – Dans le cadre du réchauffement climatique, les études menées en France sur le châtaignier montrent que le risque de dépérissement est très élevé lorsque le déficit hydrique entre les mois de juin et août dépasse 220 mm. Voir : Jean Lemaire. Bioclimsol, un outil d’aide à la décision en développement pour réagir face au changementc climatique. Forêt-entreprise 218. https://www.cnpf.fr/n/bioclimsol-autecologie-des-essences/n:226
10 – L. Trabut (1925). Le châtaignier en Algérie. Gouvernement général de l’Algérie. Direction de l’agriculture. Service botanique. Informations agricoles 62, 16 p.
Édition : Alger : impr. de C. Vollot , 1925 Gouvernement général de l’Algérie. Direction de l’agriculture. Service botanique. Informations agricoles. Bulletin n̊ 62
Édition : Alger : impr. de C. Vollot , 1925
11 – E. Stefanesco et al (1971). Le châtaignier au Maroc. Revue El Awamia 38, 1-14.
12 – R. Cerighelli (1922). Le châtaignier dans ses rapports avec le sol. Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale 2, 10, 259-264.
13 – En Ardèche, on a trouvé des feuilles et des pollens fossiles antérieurs à la dernière période glaciaire. Voir aussi :
P. Krebs et al. (2004). Quaternary refugia of the sweet chesnut (Castanea sativa Mill.): an extented palynological approach. Veget. Hist. Archaeobot. 13, 145-160 ; P. Krebs et al. (2019) Revising the sweet chestnut (Castanea sativa Mill.) refugia history of the last glacial period with extended pollen and macrofossil evidence. Quaternary Science Reviews 206, 111-121.
14 – Daniel Zohary, Maria Hopf (1988). Domestication of Plants in the Old World. Oxford, Clarendon Press, 249 p.
15 – Selon Xénophon, les nobles perses nourrissaient leurs enfants de châtaignes.
16 – F. Villani, M. Pigliucci and M. Cherubini (1994). Evolution of Castanea sativa Mill, in Turkey and Europe. Genet. Res. Camb. 63, 109-116.
17 – Michel Chauvet, éd. (1998), Le patrimoine fruitier. Hier, aujourd’hui, demain. Actes du colloque de la Ferté Bernard, 15-17 octobre 1998. AFCEV, diffusion INRA. 5-14.
18 – Claude Hoh (2013). Le châtaignier, des racines vers le futur. http://www.forestiersdalsace.fr/UserFiles/File/PDF/Exemples/Stammtisch-Chataignier-2013.pdf
19 – Idem 14. Voir aussi, M. Conedera, et al. (2004). The cultivation of Castanea sativa (Mill.) in Europe, from its origin to its diffusion on a continental scale. Veget. Hist. Archaeobot. 13, 161-179.
20 – S. Fineshi et al (2000). Chloroplast DNA polymorphism reveals little geographical structure in Castanea sativa Mill. (Fagaceae) throughout southern European countries.Molecular Ecology 9, 1495–1503 ; Francesca Chiocchini et al. (2016). Mapping the Genetic Diversity of Castanea sativa: Exploiting Spatial Analysis for Biogeography and Conservation Studies. Journal of Geographic Information System 8, 248-259.
21 – Cécile Villeleger (1997). Le châtaignier, Castanea sativa Mill. Thèse pour le diplôme d’état de docteur en pharmacie. Université de Limoges, faculté de pharmacie, 94 p.
22 – Rob Jarman et al. (2019). DNA analysis of Castanea sativa (sweet chestnut) in Britain and Ireland: Elucidating European origins and genepool diversity. PLOS One 14, 9, e0222936. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0222936
23 – Selon Pline, dans le culte de Cérès, la farine de châtaigne était notamment donnée aux femmes comme substitut du pain durant certaines périodes rituelles de jeune céréalier.
24 – Marco Conedera, Patrice Krebs (2008). History, present situation and perspective of the chesnut cultivation in Europe. Acta Horticulturae 784, 23-27.
25 – Cathy Bouffartigues et al. (2019). Genetic diversity and structure of sweet chestnut (Castanea sativa Mill.) in France: At the intersection between Spain and Italy. bioRxiv, doi: https://doi.org/10.1101/792259
26 – http://nonololoaly.unblog.fr/
27 – Chantal Leroyer (2010). Apparition et diffusion du châtaignier (Castanea sativa) en Dordogne : l’apport de la palynologie. In C. Delhon, I. Théry-Parisot, S. Thiébault, éd. Des hommes et des Plantes. Exploitations du milieu et gestion des ressources végétales de la préhistoire à nos jours. XXXe rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes. Ed. APDCA, Antibes, 211-225.
28 – J.R. Pitte (1987). Terres de Castanide : hommes et paysages du châtaignier de l’Antiquité à nos jours. Méditerranée 3, 60, 52.
29 – Mme Depain (1936). La châtaigneraie périgourdine. Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest 7, 4, 340-365.
30 – Gérard Briane et Jean Jimenez (2017). Guide d’usage : Des châtaigniers et des hommes, le renouveau de la châtaigneraie dans le sud européen. UVED, 35 p.
31 – Idem 16.
32 – http://nonololoaly.unblog.fr/2009/02/10/269/
33 – Auguste Chevalier (1941). Trois arbres précieux de la France à améliorer : olivier, noyer, châtaignier. Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale 21, 237-238, 206-221.
34 – Ariane Bruneton-Governatori (1984). Alimentation et idéologie : le cas de la châtaigne. Annales Economies, Sociétés, Civilisations 39, 6, 1161-1189.
35 – A. Guillaume (1942). La récolte, le traitement et la conservation des châtaignes en France. Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale 22, 249-250, 259-263.
36 – Jean-Aimé Juge de Saint-Martin (1790). Notice des arbres et arbustes qui croissent naturellement, ou qui peuvent être élevés en pleine terre dans le Limousin. Limoges, Impr. Jacques Farne, 311 p. (p. 60).
37 – A. de Gasparin (1857). Cours d’agriculture, Paris, Librairie agricole de la Maison Rustique. 5 vol. édition consultée 1863, p.472.
38 – L’encre est une maladie gravissime du châtaignier d’origine asiatique, provoquée par les spores d’un champignon parasite, Phytophtora cinnamomi ou P. cambivora, qui migre dans l’eau du sol et attaque le système racinaire et le collet de l’arbre provoquant son dessèchement et sa mort. Celle -ci advient très rapidement sur les jeunes plants (1 à 5 ans) et plus ou moins rapidement selon l’âge sur les arbres plus âgés.
39 – Idem 29.
40 – Le chancre de l’écorce est une autre maladie sévère du châtaignier originaire d’Asie, provoquée par un champignon microscopique, Cryphonectria (ou Endothia) parasitica, qui s’attaque à l’écorce de l’arbre (tronc, branches, rejets), provoquant des lésions à évolution rapide entrainant le dessèchement et la mort des parties supérieures. Il a été identifié pour la première fois en Europe en Italie en 1938.
41 – Il pond ses œufs dans les bourgeons de la pousse de l’année en juillet. Les œufs éclosent 30 à 40 jours plus tard. Au printemps suivant, à l’éclatement des bourgeons, la larve se nourrit de l’intérieur du bourgeon. En parallèle, l’arbre lutte contre ce parasite en formant des galles au niveau des bourgeons qui sont aisément identifiables en hiver. Il est important de bien surveiller les vergers en hiver et au printemps pour détecter de nouveaux foyers.
42 – M.-L. Brachet et al. (2017). Le cynips du châtaignier : mise en œuvre et développement de la maitrise de ce ravageur par des moyens de contrôle biologique. Innovations Agronomiques 55, 121-133.
43 – https://www.sival-innovation.com/variete-chataigne-bellefer/
44 – https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/memento_2014-2.pdf en p21; Sabine Girard et al. (2016). Fiche Castanea sativa Mill., Châtaignier. INRA-CNPF, 7 p.
45 – Mathilde Debard (2019). La châtaigne et le marron en 2018 – bilan de campagne. France Agrimer, 4 p.
46 – Marie Charlotte Bopp (2019). Les services rendus par les cultures fruitières : extraits du chapitre 2, le service d’approvisionnement en fruits – la production de fruits en France métropolitaine. GIS Fruits, CTIFL et INRA Science Impact, 47 p.
47 – Simultanément la France a consommé 11 705 tonnes et est donc importatrice.
48 – La châtaigne est réputée pour son apport énergétique, comparable à celui des céréales – 190 calories pour 100 g. Séchée, sa valeur énergétique dépasse celle des céréales : elle fournit 370 calories pour 100 g, soit largement deux fois plus que des pâtes complètes ou quatre fois plus que des pommes de terre.
49 – Antoine-Augustin Parmentier (1780). Traité de la châtaigne. Paris, Ed. Monory, 160 p.
50 – La châtaigne est riche en amidon de type B (similaire à l’amidon de maïs), avec une température de gélatinisation de 56,1°C et un pic de viscosité de 79,5°C.
51 – Leur relative pauvreté en protéines peut aisément être compensée par une ration de lait, surtout s’il est de chèvre.
52 – A. Bruneton-Governatori (1984). Le pain de bois : ethnohistoire de la châtaigne et du châtaignier. Ouvrage publié avec le concours du C.N.R.S., Eché éd., Toulouse, 534 p.
53 – Notre nourriture est souvent trop riche en sucres simples, raffinés et en protéines animales qui favorisent l’acidose tissulaire chronique et divers troubles métaboliques associés (fatigue, migraine, ballonnements, constipation). En dégustant la châtaigne avec d’autres fruits et des légumes, on accroît l’effet basifiant, ce qui permet de réguler l’équilibre acidobasique de notre organisme.
54 – M. Aponte, F. Boscaino, A. Sorrentino, R. Coppola, P. Masi, A. Romano (2013). Volatile compounds and bacterial community dynamics of chestnut-flour-based sourdoughs. Food Chem. 1, 141(3), 2394-2404.
55 – Petits gâteaux à base de brocciu écrasé, de farine de blé tendre, d’œufs, de sucre et de zeste de citron.
56 – 7 à 10% de la matière sèche est forme de tanins ellagiques tels que la castalgine et la vescalagine. On les utilisait beaucoup dans le tannage des peaux.
57 – Paul Iserin (éd.) et al. (1997). Encyclopédie des plantes médicinales. Paris, Larousse, p. 182 ; Max Wichtl, Robert Anton, (1999). Plantes thérapeutiques. Paris, Ed. Lavoisier Tec&Doc, 109-110 ; Gérard Debaigne, François Couplan et Pierre et Délia Vigne (2017). L’herbier des plantes qui guérissent. Larousse, 228 p. ; José Manuel Neves and Silvia Cunha. Castanea sativa Mill : A brief review. Recent Advances in Biological Research 4, 9, http://bp.bookpi.org/index.php/bpi/catalog/view/58/634/513-1