Cousine de la violette, la pensée sauvage (Viola1 tricolor L., 1753)2,appelée aussi fleur de Notre Dame, herbe de la Trinité, petite pensée ou pensée tricolore est une plante herbacée de la famille des Violacées3. C’est une des dix espèces de pensées natives de France et l’une des plus communes4 (pour mémoire, son nom n’a rien à voir avec « La pensée sauvage », classique essai d’ethnologie de Claude Lévi -Strauss datant de 1962).

Touffe de pensée Sauvage, Italie, 2014 ©TelaBotanica-G.Botti
Selon l’abbé Coste5, la pensée sauvage est une plante extrêmement polymorphe, annuelle, bisannuelle ou pérennante6, glabrescente ou velue aux tiges pleines, cannelées, glabrescentes ou poilues, de 5-40 cm, pluriflores qui restent souvent près du sol. Ses feuilles sont alternes, ovales, oblongues ou lancéolées, crénelées avec des stipules digitées-multipartites, à lobe terminal plus grand, foliacé. La floraison est longue et va d’avril à octobre en France. Les fleurs zygomorphes, sont solitaires (environ 2 cm de diamètre) à 5 pétales, portées par un pédoncule long et glabre, blanches, jaunes, violettes ou plus généralement mélangées de ces trois couleurs, petites ou grandes, avec quatre pétales dressés, les supérieurs plus ou moins veloutés, et un éperon court, dépassant peu ou point les appendices. Elles portent 5 étamines libres. Le style est droit, épaissi au sommet tandis que le stigmate est creusé en entonnoir. La pollinisation est autogame et entomogame. Le fruit est une capsule subtrigone, glabre. Il contient de nombreuses graines jaune clair dont la dissémination implique souvent des fourmis. L’espèce est aussi la plante-hôte de chenilles de divers papillons, dont le petit nacré (Issoria lathonia).
Cette jolie petite plante croît à l’état sauvage dans de nombreuses régions du continent eurasien, d’où son nom commun de pensée sauvage. Elle se développe préférentiellement à la lisière des bois, dans les prairies et dans les terres en friches qui présentent un sol acide ou neutre. Malgré cela, elle est capable de s’adapter à d’autres types de sols et à des climats très différents. En effet, la pensée sauvage peut se développer dans les régions littorales ou de basses altitudes aussi bien que dans des zones montagneuses. On la trouve aussi en Afrique septentrionale et au Québec où elle a été introduite.



Trois types de fleur : Bacon, Loiret, 2015 © TelaBotanica-PDesnos ; Saint-Genest-Champespe, Puy-de-Dôme, 2005 © TelaBotanica-JBarataud ; Curières, Aveyron, 2020 © TelaBotanica-ABigou
Ses fleurs comestibles au parfum floral, doux et légèrement sucré, peuvent sublimer la présentation de vos salades et de vos desserts. On les trouve de plus en plus fréquemment en supermarchés, issues de cultures en fermes verticales.
En pharmacopée traditionnelle et phytothérapie, on récolte les parties aériennes fleuries. Le séchage doit ensuite être fait rapidement pour éviter le pourrissement des capsules. Ses propriétés thérapeutiques proviennent des mucilages, des gommes et des résines que la plante contient mais aussi da combinaison d’acides phénoliques (acide salicylique notamment), de caroténoïdes, de coumarines, de cyclotides de flavonoïdes (rutoside, violaquercétine, etc.), de saponines, de sels de calcium et de magnésium, de tanins etd e tocophérols (vitamine E). La pensée sauvage purifie le teint par le biais de ses tanins astringents7. Elle est utilisée pour ses vertus drainantes de la peau et permet de résoudre les problèmes de démangeaisons par des compresses imbibées d’infusion ou de décoction appliquées sur les parties concernées. Elle est employée dans les cures de changements de saisons et purifie le sang8. Elle a aussi des actions expectorantes et anti-inflammatoires sur le système respiratoire notamment lors d’inflammations accompagnées d’une hypersécrétion comme l’asthme, la bronchite aiguë, la coqueluche ou encore la trachéite. La pensée sauvage soulage aussi les néphrites et les coliques néphrétiques ainsi que les crises de goutte et les rhumatismes.

Potée de la sous-espèce cultivéeV. tricolor var. hortensis ©plantaelover.wordpress.com/
Une sous-espèce cultivée de la pensée sauvage, V. tricolor var. hortensis D.C.,19479, a été sélectionnée et est cultivée depuis le XIXe siècle. Elle porte des fleurs de moins de 4-5 cm de diamètre et est surtout usitée en plantes de bordures.
Il ne faut pas la confondre avec la pensée des jardins, Viola x wittrokiana Gams, 1925,espèce hybride créée en Angleterre au XIXe s. par Lord James Gambier (1778-1833) et son jardinier William Thompsom en recombinant dans un premier temps V. tricolor à V. lutea et V. altaica (depuis d’autres espèces de Viola ont été intégrées dans cette sélection, notamment par l’horticulteur français Jean-Pierre Barillet-Deschamp du Second Empire, auteur du livre « Les pensées : histoire, culture, multiplication, emploi10 », magnifiquement illustré, en 1869) pour obtenir de grandes fleurs à « face-de-chat ».
Ainsi, l’humble pensée sauvage nous a offert parmi nos plus belles fleurs de jardin !
Alain Bonjean, 90e article,
Orcines, le 26 février 2022
Mots-clefs : Viola tricolor var. tricolor, pensée sauvage, Violacées, Eurasie, Afrique septentrionale, Québec, espèce sauvages, fleur comestible, plante médicinale, plante ornementale
1 – Le genre Viola regroupe des espèces herbacées vivaces ou annuelles, à fleurs zygomorphes bisexuées à 5 sépales et 5 pétales. La violette, Viola odorata, plante à parfum, utilisée également en pâtisserie et liquoristerie et emblème de Toulouse, a donné son nom au genre.
Ce genre regroupe les violettes et les pensées distinguées selon leur morphologie florale : 2 pétales supérieurs redressés, les latéraux étalés pour les violettes et 4 pétales supérieurs redressés pour les pensées.
2 – Allemand : Acker-Stiefmütterchen ; anglais : wild pansy ; espagnol : trinitarias ; hollandais : akkerviooltje, wilde pensee ; portugais : amor-perfeito-bravo.
3 – Les Violacées sont des dicotylédones herbacées, rarement annuelles, ou des arbres, arbustes ou arbrisseaux des régions froides à tropicales du globe. On en compte environ 800 espèces réparties selon les botanistes entre 16 à 23 genres. Le genre Viola avec 500 espèces est le plus largement réparti.
4 – Dans les mêmes milieux que la pensée sauvage (ou tricolore), on trouve notamment la pensée des champs (Viola arvensis Murray, 1770) qui est très voisine et qui ne s’en distingue que par quelques détails :

5 – https://www.tela-botanica.org/eflore/?referentiel=bdtfx&module=fiche&action=fiche&num_nom=75507&onglet=synthese ; https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/129723?lg=en
6 – Une plante pérennante peut vivre plusieurs années ans être totalement vivace.
7– https://www.france-herboristerie.com/blog/201-la-pensee-sauvage-pour-une-peau-eclatante-et-saine
8– https://www.plantes-et-sante.fr/articles/plantes-medicinales/2166-la-pensee-sauvage-nettoie-le-sang-en-profondeur ; la pensée est toutefois à éviter en cas de traitements anti-coagulants ainsi que chez les personnes allergiques aux salicylates
9 – Appelée Johnny-jump-up en anglais.
10– Jean-Pierre Barillet-Deschamp (1869). Les pensées : histoire, culture, multiplication, emploi. Ed. Rothshild, 114 p. https://archive.org/details/penseyes00bari