
La recherche sur l’alimentation des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique a longtemps été concentrée sur la consommation d’animaux parce que leurs ossements se conservent relativement bien. Une analyse récente1 des macro-vestiges carbonisés de plantes découverts dans la grotte Franchthi dans le bassin de la mer Égée en Grèce, datés en entre 13 100 et 11 400 avant le présent (AP), et dans la grotte Shanidar dans le nord-ouest des montagnes Zagros au Kurdistan irakien, datée entre 45 000 et 70 000 AP et occupée par des groupes de Néandertaliens, apporte un nouvel éclairage sur la consommation de plantes alimentaires par nos ancêtres. Ces très anciens témoignages d’aliments carbonisés confirment également que les Néandertaliens maîtrisaient la cuisson tout comme Homo sapiens.
L’examen au microscope de ces restes carbonisés révèle en particulier l’utilisation de graines de légumineuses pilées, mais non broyées, comme ingrédient commun dans les aliments végétaux cuits retrouvés sur ces sites. Il s’agit essentiellement d’ers – Vicia ervilla, lentille – Lens spp.et pois – Pisum spp., en présence d’avoines et d’orge sauvages mais également d’amandes et de pistaches à la grotte Franchthi tandis qu’à Shanidar, ce sont des pois sauvages – Pisum fulvum ou P. sativum subsp. elatius, et diverses gesses – probablement Lathyrus cassius, L. hirsutus ou L. nissolia qui ont été détectées en présence de ce qui semble être des restes de graines de moutardes sauvages et de térébinthes.
Dès le Paléolithique moyen, plusieurs techniques de préparation des aliments végétaux paraissent ainsi avoir été communes à l’Asie du Sud-Ouest et aux rivages de la Méditerranée orientale tout en ayant été indépendantes des variations climatiques de ces régions et de leur impact sur la biomasse de la végétation2.
Les graines de légumineuses, spécialement celles d’ers et de gesses, contiennent des quantités importantes d’alcaloïdes et de tannins3, notamment dans leurs enveloppes, qui leur confère un goût amer et astringent. Le trempage des graines de légumineuses sauvages, comme l’indiquent les fragments d’aliments carbonisés de Franchthi et de Shanidar, aurait permis leur consommation sécuritaire et amélioré leur goût en éliminant la plupart des composés amers. Toutefois, la présence de fragments de téguments laisse supposer qu’une faible quantité de produits chimiques végétaux, y compris certains tanins et alcaloïdes, a pu être intentionnellement retenue dans les préparations alimentaires végétales. Dans le contexte de la littérature archéologique régionale, les plantes de cette famille botanique pourraient avoir été des ingrédients identitaires de la cuisine paléolithique en Asie du Sud-Ouest et en Méditerranée orientale.
Outre leur impact évident en désintoxication des bols alimentaires, les pratiques de trempage et de pilonnage mis en évidence dans la préparation des aliments de ces deux sites et d’autres de datations intermédiaires auraient également amélioré la biodisponibilité des nutriments bien avant l’apparition de l’agriculture. D’autres aspects du choix et de l’utilisation des ressources végétales, y compris les matières premières et les utilisations médicinales, ont également été mis en évidence en ce qui concerne l’alimentation du Paléolithique moyen et inférieur 4.
Alain Bonjean – 122e article
Orcines le, 12 janvier 2023
Mots-clefs : archéologie, Bassin méditerranéen, Proche et Moyen-Orient, Paléolithique, Homo neanderthalensis, Homo sapiens, Fabacées (Légumineuses), Poacées, amandes, procédés de désintoxication des plantes alimentaires, nutrition, cuisson, biodisponibilité des aliments, usages médicinaux
1 – C. Kabukcu et al. (2022). Cooking in caves: Palaeolithic carbonised plant food remains from Franchthi and Shanidar. Antiquity, 1-17, https://doi.org/10.15184/aqy.2022.143/
2 K. Hardy (2018). Plant use in the Lower and Middle Palaeolithic: food, medicine and raw materials. Quaternary Science Reviews 191, 393–405 ; R.C. Power, F. L. Williams (2018). Evidence of increasing intensity of food processing during the Upper Paleolithic of western Eurasia. Journal of Paleolithic Archaeology 1, 281–301, https://doi.org/10.1007/s41982-018-0014-x
3 09 PARUL REVIEW.pdf (jairjp.com) ; (PDF) Anti‐nutritional compounds in pulses: Implications and alleviation methods (researchgate.net)
4 – K. Hardy (2018). Plant use in the Lower and Middle Paleolithic : food, medicine and raw materials. Quaternary Science Reviews 191, 393–405.
Link #1 does not work
Cheers
Eric
Classification: UNOFFICIAL
Classified by: Eric.Huttner@aciar.gov.au on: 13/01/2023 8:42:19 AM
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