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L’agriculture hors-sol, dite aussi verticale, atteint désormais un degré de maturité qui offre des opportunités alimentaires et industrielles respectueuses de l’environnement à saisir !

Dès 12 000 ans av. J.-C., l’espèce humaine encore nomade a commencé de domestiquer une poignée d’espèces végétales dans deux régions d’Eurasie : le Proche-Orient2 et l’Asie de l’Est3.
Certains de nos ancêtres jusque-là tous chasseurs-cueilleurs se sont alors mis à défricher de petits coins de la planète, en utilisant souvent le feu et en tentant de maîtriser l’eau douce, pour pratiquer leurs cultures. L’agriculture est née de ces actions. Elle a sédentarisé notre espèce et modifié profondément son alimentation tout en la domestiquant à son tour. D’autres foyers d’agricultures sont ensuite apparus indépendamment sur les autres continents, avec chacun leurs lots de déforestation et d’anthropisation de l’environnement. Cette rupture comportementale a généré nos civilisations, l’une après l’autre. Celles-ci ont échangé entre elles, se sont affrontées, parfois exterminées, ou ont plus souvent fusionné au fil des millénaires. Les peuples dominants ont néanmoins toujours voulu imposer leurs styles de vie et leurs rites aux dominés, et en particulier leurs modes d’agriculture et d’alimentation4. Pendant des siècles, cette démarche accompagnée de nombreux transferts et d’innovations n’a pourtant pas empêché famines et disettes de frapper l’humanité ici ou là de temps à autre. Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle après deux guerres mondiales effroyables, que l’agriculture a enfin pu être suffisamment intensifiée pour nourrir régulièrement l’humanité parce qu’elle s’est accompagnée d’un immense exode rural vers les villes5 qui a permis l’agrandissement des parcelles agricoles, leur mécanisation, et même dans les bassins de production les plus favorables une industrialisation des productions avec des gains de productivité très importants. Depuis, du fait de la persistance de conflits régionaux ou de catastrophes naturelles, les famines et les disettes n’ont pourtant pas totalement disparu du globe, mais leurs nombres et leurs impacts ont été restreints.

Si l’on observe la Terre en 2021, ses dimensions6 restent les mêmes qu’au Néolithique :
– une « boule » minérale de 12 576 km de diamètre à l’équateur ;
– une surface de 510 millions de km2, dont environ 71% d’océans (361 millions de km2) et 29% de terres émergées (149 millions de km2) dont 25% de terres libres de glace (130 millions de km2). Sur ces dernières, selon le rapport du GIEC 20197, 72% sont utilisées par l’homme8 et 28% sont quasiment inutilisées, parce que trop inhospitalières, selon le détail suivant :
 

Si selon les estimations faites par les archéologues entre 5 et 10 millions d’humains vivaient sur terre voici 12 000 ans9, ce sont désormais 7,8 milliards de leurs descendants10 (6 milliards de plus qu’en 1920) qui y existent. Selon diverses estimations, en 2050, 10 milliards d’humains habiteront les terres émergées qui seront alors plus anthropisées et urbanisées à près de 70% selon l’ONU11. Avec le changement climatique en cours qui s’accompagne d’une hausse du niveau des mers, l’humanité est heureusement en train de prendre enfin conscience que, face à son explosion démographique, les surfaces cultivables ne sont pas indéfiniment extensibles et se dégradent, que l’eau douce pourrait devenir rare et plus globalement des conséquences de son impact négatif sur l’environnement et la biodiversité12. Bref que notre espèce doit une fois de plus innover pour s’adapter aux modifications en cours.

Longue introduction soit pour évoquer les perspectives de l’agriculture hors-sol, dite aussi agriculture verticale (vertical farming), mais à notre époque de réseaux sociaux où tout est survolé, quand ce n’est pas déformé, rappeler ces éléments historiques et citer ces chiffres incontournables comme toile de fond de la problématique à laquelle nous sommes tous confrontés m’apparaît fondamental. Nourrir, éduquer, sécuriser 10 milliards d’individus en 2050 tout en préservant les sols, supports naturels de la vie animale et végétale sur terre, la qualité de l’eau et de l’air, est en effet le challenge vital auquel notre génération est confrontée.

C’est encore possible si nous savons nous mobiliser dans divers domaines car il n’y aura pas une solution mais des solutions, qui, mises côte à côte dans une sorte de gigantesque patchwork, permettront à l’humanité de poursuivre son aventure.
Comme il n’est pas évident même en grignotant pâturages et forêts, que nous pourrons continuer d’étendre les surfaces cultivées sous la pression de la demande alimentaire, du développement des villes et des infrastructures, et de l’élévation du niveau des océans, l’agriculture traditionnelle devra être modifiée d’ici là pour rester à la fois productive et devenir plus durable. La connaissance fine des génomes végétaux que nous possédons désormais ainsi que plusieurs technologies nouvellement apparues en amélioration génétique telle l’édition de gènes permettent d’espérer des gains de productivité importants à court-moyen terme. L’amélioration de l’efficacité photosynthétique des plantes cultivées, le développement de mycorhizes entre nos cultures et des souches de champignons permettant de fixer l’azote de l’air ou d’exploiter le phosphore au sein des roches, la création de variétés plus résistantes à des parasites ou à des stress abiotiques comme la chaleur ou valorisant mieux l’eau, une utilisation plus large de la biodiversité sont des exemples, parmi bien d’autres, dont la science nous permettra de disposer avant même la fin de ce siècle. Probablement l’extension rapide des cultures de macroalgues sur les plateaux côtiers, voire en pleine mer aussi, sans compter celles de microalgues. D’autres technologies apparaitront n’en doutons pas13que nous entrevoyons à peine…En attendant, il en est une, l’agriculture hors-sol, qui arrive à point actuellement à maturité.


D’où provient l’agriculture hors-sol ?

Ses origines remontent à de très anciennes pratiques humaines spécialisées : aux légendaires jardins suspendus de Babylone décrits par des voyageurs grecs antiques14, aux cultures sur gravier ou flottantes de la Chine des Song ou aux « chinanpas » du Mexique aztèque15. Elles combinent toute une série de connaissances acquises entre le XVIIe siècle et le début du XXe sur la nutrition des plantes et leur interaction avec la composition de l’air autour d’elle : compréhension progressive des formes végétales de vie, importance de la lumière dans les mécanismes de la photosynthèse et des cycles circadiens, relations plantes-oxygène et gaz carbonique, rôle nutritif des sels minéraux dissous dans l’eau, etc.

Elle consiste aujourd’hui à cultiver de manière artificielle en espace clos, ensoleillé artificiellement et contrôlé, des espèces végétales dans des substrats autres que le sol, généralement inertes et neutres, ou même sans substrat, alimentées de solutions aqueuses enrichies en nutriments.

Pour en arriver à ce résultat, il a fallu depuis 1925 presque encore un siècle d’essais, de tâtonnements, et d’incrémentation de petits progrès techniques successifs.
En effet, le premier système de culture hors sol fut commercialisé aux USA en 1929 par l’universitaire William F. Gericke (1882-1970)16, inventeur de l’hydroponie17, en coopération avec le physiologiste Dennis R. Hoagland (1884-1949)18concepteur de la solution nutritive. Hélas, ce système d’emploi alors délicat n’eut pas grand succès immédiat…

Cultures hydroponiques de tomate aux USA du Dr. W.F. Gericke et de son épouse vers 1930. Couverture de son livre de référence ©University of California

Ce n’est au cours de la seconde guerre mondiale qu’eut lieu, avec Robert et Alice Withrow de l’université de Purdue, une première utilisation de l’hydroponie à grande échelle sur lits de gravier, sous l’appellation de « nutriculture »19, pour alimenter en légumes frais les combattants américains du Pacifique.

A partir des années 1960, une série de nouvelles innovations relança cette méthode. Elles concernèrent d’abord l’utilisation de la laine de roche comme substrat, puis la fabrication de chélates artificiels et de phosphate mono-ammonique qui rendirent la solution nutritive plus efficace et plus durable. Elles intégrèrent ensuite le développement des plastiques qui allégèrent les équipements, antérieurement en béton, et permirent en 1970 à l’Anglais Allen Cooper de développer un système dit NFT (Nutrient Film Technique)20, adapté à la culture commerciale de légumes à cycle végétatif court comme les salades.

En 1976, le Californien Lawrence Brooke améliora et adapta la technologie hydroponique pour la première fois à la dimension d’une chambre de culture urbaine et créa la société General Hydroponics qui tenta de commercialiser les premières cultures mondiales « à la maison » dans les années 1980. Là encore, l’invention était trop en avance sur son temps et n’alla pas très loin…
Une nouvelle étape majeure fut franchie en 1986, lorsque Hillel Soffer du Volcani Institute établit en Israël une corrélation directe entre croissance des plantes et oxygène dissous dans la solution nutritive, modifiant pour la première fois significativement en aéro-hydroponie la vitesse de croissance d’une plante21. Il développa le système très performant du vortex22 et fut suivi par les travaux des Français Christiane Lesaint et Yves Coïc très complémentaires dans l’optimisation du calcul de la composition des solutions nutritives23.


Au tournant des années 2000, si jusque-là les diverses formes d’hydroponie avec ou sans substrat s’étaient développées en intégrant les résultats des travaux de la série de scientifiques, d’agronomes et d’horticulteurs que nous venons de citer, le secteur a été fortement influencé par des intellectuels issus d’autres milieux – urbanistes, architectes, ingénieurs des matériaux, etc., soucieux des dégradations environnementales de la planète et des conséquences que cela induisait sur la santé humaine, et souvent simultanément impliqués dans la planification du développement des villes et des infrastructures les reliant. Ces nouveaux acteurs, prenant en compte les attentes nutritionnelles et environnementales de leurs contemporains de plus en plus urbains, proposent depuis de nouveaux modèles d’agriculture hors sol dans, sur et sous la ville en complément, et non en opposition, avec l’agriculture sur sol, traditionnelle. Ils imaginent dans un proche futur, une sorte d’agriculture parfois même intégrée dans l’habitat individuel. Dans le même temps, rejetant la frontière historique entre ville et campagne, ils transposent parfois même leurs projets en zone rurale car ils ne considèrent pas l’agriculture hors sol comme concurrente de l’agriculture traditionnelle, mais comme un complément en devenir.
Parmi ces nouveaux promoteurs de l’agriculture hors sol, non agronomes de formation, citons les précurseurs les plus marquants : l’urbaniste américain Jac Smit (1929-2009)24, considéré comme le Père de l’agriculture urbaine et fondateur de TUAN – The Urban Agriculture Network, l’ écologue américain Dixon Depommier25 développeur médiatique sans en être l’inventeur du concept d’« agriculture verticale », l’aménagiste québécois Daniel J. Boivin26 concepteur de l’ « urbanisme souterrain » et le théoricien Eric Ellingsen27qui insiste sur l’importance du développement simultané des technologies et des apports classiques de l’hydroponie.

Cultures hydroponiques sous serre de tomate-cerise sous serres par Limagrain-Hazera à Laizhou, Shandong, Chine ©AlainBonjean
Cultures hydroponiques de laitue dans le système hors-sol VertiCrop developpé par Valcent Products Inc. à Vancouver au Canada ©Valcent

L’agriculture hors-sol répond aux nouvelles attentes environnementales et alimentaires des consommateurs de plus en plus urbains bien mieux que le bio ou les serres
Depuis une dizaine d’années, deux grandes tendances sont issues des travaux antérieurs que nous venons de décrire tandis que le bio progressait simultanément dans nos campagnes, tiré par l’émergence de nouvelles attentes de consommateurs devenus de plus en plus consom’acteurs suite à différentes réflexions (traçabilité des aliments, sûreté sanitaire, protection de l’environnement, etc.) :

  • En Europe et à un moindre degré sur d’autres territoires (Israël, Kenya, etc.), certains grands serristes sous l’influence des Pays-Bas ont intégré l’hydroponie dans un grand nombre de leurs immenses ensembles horizontaux de serres, générant un ensemble hybride entre les technologies liées aux équipements des serres les plus modernes et les technologies issues des différentes formes d’hydroponie.
  • Malgré quelques grands projets développés en Amérique du Nord et en Europe, c’est dans certains pays d’Asie – Japon28, Chine, Singapour en particulier – que les plus grandes fermes hors sol utilisant plusieurs variantes de l’hydroponie (dont les tables et seaux à marée29, l’aquaponie30, l’aéroponie31 et la bioponie32) ont vu le jour et, aujourd’hui, des investissements significatifs de ce type se multiplient dans divers spots de la planète33.

Expansion géographique des fermes verticales en Asie et évolution du nombre de fermes verticales au Japon et à Taiwan entre 2009 et 2016 – Source : Newbeancapital, 2016

Au travers des possibilités offertes par ses différentes versions, l’hydroponie est ainsi devenue aujourd’hui une technologie mature.

Par suite, comparer le maraîchage traditionnel au champ, productions bio incluses, et l’agriculture hors sol pour des productions de légumes n’a plus qu’un sens relatif lorsque l’on sait, par exemple, que 65% à 70% des tomates produites en France le sont en serres ou tunnels sous une forme ou une autre d’hydroponie34 et 90% sont cultivées hors-sol35, et que le taux de tomate produit hors sol est encore plus élevé en Espagne, en particulier dans les zones de production de Valence et d’Huelva. Quant à la production de la tomate bio, depuis 2019, elle n’est plus autorisée à la vente en France qu’entre le 30 avril et le 21 décembre sous le prétexte qu’il serait « incohérent de chauffer les serres en bio »36… qui est une double hypocrisie : d’une part, pour commercialiser des tomates en avril, il faut en effet chauffer les plants dès février car un plant de tomate a besoin de 3 mois de croissance pour fructifier – il n’est d’ailleurs pas interdit de chauffer les serres du 21 décembre au 30 avril, mais d’en commercialiser les produits ; d’autre part, est-ce bien respecter la nature de récolter des tomates en France début décembre ou même en novembre ? A vous d’en juger.

Soulignons maintenant pourquoi les productions hors-sol répondent mieux aux attentes environnementales et alimentaires de nos contemporains que les productions sous serre ou bio dont ils connaissent pour la plupart les limites.

Au niveau environnemental :
– Contrairement aux serres ou au bio, les productions hors-sol consomment du fait de leur verticalité très peu de surfaces de terres agricoles, même lorsqu’elles sont implantées au niveau rural ou en périphérie urbaine. Elles peuvent être établies en ville sur des toits, en sous-sol, voire même dans des containers ou dans des appartements.
– N’ayant plus recours au rayonnement solaire, elles sont plus faciles à contrôler que des serres (même si le non-recours au solaire a un coût).

– Par suite, elles ne détruisent quasiment pas de biodiversité naturelle.
– Les plantes qui y sont cultivées ne sont pas en concurrence avec des adventices ; il n’y a pas de recours aux herbicides, ni de résidus toxiques en provenant.
– Le recours aux insecticides et fongicides est nul à extrêmement réduit.
– il n’y a pas de rejet incontrôlé dans l’environnement.
– L’hydroponie, technique mature, est une culture très économe en eau, qui est recyclée à 95%, ce qui est un énorme avantage dans les zones désertiques à sèches.
– Le stockage du carbone en culture hors-sol est équivalent, à biomasse égale, à celui d’une culture au champ ou en serre.
– C’est une agriculture durable. Elle se rapproche de l’agriculture de précision et de l’agroécologie.
– Elle est complémentaire de l’agriculture au champ et ne concurrence pas cette dernière.

– Elle aide à améliorer significativement la trésorerie des exploitants agricoles qui la pratiquent et son roulement.

Au niveau alimentaire :

– Si les légumes-feuilles et les plantes aromatiques ont été parmi les premières espèces à être cultivées dans ce type d’équipements, la gamme des produits accessibles s’est aujourd’hui bien élargie.
– L’hydroponie limite au minimum les apports d’intrants dans les cultures et n’utilise pratiquement pas de produits phytosanitaires contrairement aux serres et même au bio qui, se développant de plus en plus, n’est pas toujours exempt de problèmes sanitaires.
– Le dosage très précis des éléments nutritifs favorise une croissance rapide et un parfait profil nutritionnel des plantes produites.
– Les éclairages par spectres issus de LED permettent souvent de réduire la durée du cycle de plantes, voire d’augmenter leur taux de fructification.
– L’expérience montrent qu’ils permettent aussi de renforcer la saveur de beaucoup de légumes et de plantes aromatiques.
– La productivité de ces systèmes est fréquemment supérieure à celles des serres et du champ37, bio inclus, et ce d’autant plus qu’ils sont à même de produire toute l’année

– Elle a des rendements stables toute l’année et limite les importations de produits hors-saison.
– La production est homogène et la présentation des produits optimale.

– La traçabilité des produits et leur sécurité sanitaire sont garanties.
– Distribués localement ou en circuits courts, les produits de l’agriculture hors-sol sont sains et aussi super-frais.

– Dans le cas de l’aquaponie, ce type d’agriculture fournit simultanément des produits végétaux et des poissons ou/et crustacés.

Cultures de diverses plantes alimentaires et aromatiques dans une enceinte Vif-Systems, Vorey, Haute-Loire ©AlainBonjean

Dès maintenant, ce type d’apport alimentaire-fraîcheur peut être transféré à un prix devenu accessible aux professionnels de l’alimentation (restaurateurs, épiceries fines, etc.) ou même à des particuliers grâce à des enceintes indoor intégrables dans un local commercial ou un logement au même titre qu’un réfrigérateur, un congélateur ou une cave à vin d’appartement et d’un emploi quotidien tout aussi facile (kits de semences disponibles, milieux nutritifs standardisés, etc.).

Ce type d’équipement, très silencieux, peut même déjà contribuer à la décoration du lieu en y apportant sa touche de vie végétale. Demain, il est probable que des architectes prévoiront un espace dans chaque habitat pour l’intégrer.

L’agriculture hors-sol offre aussi de larges perspectives dans de nombreux domaines industriels

L’agriculture hors-sol conduite dans une enceinte fermée est particulièrement adaptée lorsqu’un industriel cherche à protéger une génétique-propriétaire à haute valeur ajoutée qu’il a mise au point, ou fait sélectionner pour son compte par des spécialistes.

A court-terme, la culture hydroponique hors-sol du cannabis thérapeutique à teneur contrôlée en CBD (cannabidiol), désormais autorisée en France, fournit un excellent exemple de ce type d’opportunité. Elle est en effet aisée, exempte de résidus phytosanitaires, et totalement sécurisée à tout moment en termes de traçabilité.


Ce type d’application peut aisément être élargi à diverses plantes utilisées entières, ou pour certains de leurs organes seulement (feuilles, fleurs, racines), comme sources de colorants naturels, en cosmétiques, parfumerie, pharmacie ou chimie fine par des industriels après un minimum de travaux préparatoires.

Cette option est d’autant plus intéressante que la culture de plantes sous divers spectres de LED permet relativement facilement de domestiquer des plantes sauvages d’intérêt industriel – évitant au passage qu’un excès de cueillette les fassent disparaître dans la nature, et de sélectionner avec l’appui d’analyses biochimiques et de marqueurs moléculaires des cultivars à haute teneur de métabolites secondaires recherchés par les industries, ainsi que d’améliorer leur facilité d’extraction.

Compte tenu de la sensibilité de ces diverses filières et de la propriété intellectuelle qui leur est rattachée, le lecteur comprendra que je ne puisse multiplier ici les références bibliographiques. Qu’il sache pourtant qu’en divers points de la planète, Europe incluse, diverses plantes sont déjà exploitées ainsi par des industries très variées, allant de grands groupes internationaux à des PMI très ciblées.

Si certains auteurs soulignent encore les niveaux d’investissements élevés nécessaires à la mise en place de fermes verticales et à leurs coûts d’exploitation, notamment en énergie, la progression de l’hydroponie et de ses techniques dérivées en termes de courbe d’expérience atteint désormais un seuil tel qu’il serait dommageable que nous ne nous intéressions pas plus au développement de l’agriculture hors-sol dans nos environnements immédiats d’autant que des progrès vont inéluctablement continuer de survenir. Les gagnants de ce nouveau périmètre d’activités ne seront pas les sociétés qui nous offriront les fermes urbaines les plus clinquantes mais celles qui sauront construire de manière multidisciplinaire une boîte à outils complète combinée avec la connaissance de qu’il faut adapter chez diverses plantes pour les cultiver indoor et comment le faire au mieux.

Rappelons-nous nos premiers ordinateurs individuels au début des années 1980, nos premiers téléphones portables dans les années 1990 et la 3G en 2004 avec SFR. Ils étaient loin d’être parfaits, mais ils répondaient déjà à certaines de nos attentes. Depuis, ils sont devenus plus ergonomiques et nomades. Ces technologies, ou plutôt leurs usages quotidiens, ont bouleversé nos modes de vie personnels et sociétaux même si elles n’ont pas contribué directement à notre alimentation.

L’agriculture hors-sol fera les deux à la fois en complément de l’agriculture au champ qui nous nourrit depuis le Néolithique. Elle nous permettra de conduire des productions agricoles dans des zones trop arides, froides ou chaudes, ou trop anthropisées, pour permettre de le faire au champ. L’agriculture hors-sol pourra contribuer à un meilleur dialogue entre ruraux et urbains, entre générations. Son développement, en l’état actuel, nous montre déjà que c’est en élargissant nos horizons et en nous challengeant nous-mêmes que nous continuerons de trouver les solutions qui résoudrons les défis tant alimentaires qu’environnementaux auxquels nous sommes tous ensemble confrontés.

Alain Bonjean,
Orcines, le 2 septembre 2021

Mots-clefs : agriculture hors-sol, agriculture verticale, enceinte fermée, hydroponie, recyclage, eau, environnement, biomasse, alimentation, industrie, métabolites secondaires

1 – Personnellement, je préfère l’appellation « agriculture hors sol » à « agriculture verticale ».
Pourquoi ? Parce que je trouve qu’un des atouts majeurs de ce type d’agriculture est justement qu’il ne consomme plus, ou très peu de terres émergées par rapport à l’agriculture classique au champ ou même sous serre.

2 – Au Proche-Orient, l’orge (Hordeum vulgare), l’engrain (Triticum monococcum), l’amidonnier (Triticum dicoccum), le blé tendre (Triticum aestivum), le lin (Linum usitatissimum), le pois-chiche (Cicer arietinum), le pois (Pisum sativum), la lentille (Lens culinaris) et l’ers (Vicia ervilla).
Cf. George Willcox (1991). La culture inventée, la domestication inconsciente : le début de l’agriculture au Proche-Orient. In : Rites et rythmes agraires. Séminaire de recherche sous la direction de Marie-Claire Cauvin. Lyon : Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 9-29. (Travaux de la Maison de l’Orient, 20).

3 – En Chine et plus largement en Asie de l’Est, le millet commun (Panicum miliaceum), le millet des oiseaux (Setaria italica), le millet japonais (Echinochloa utilis), le riz asiatique (Oryza sativa), le chanvre (Cannabis sativum), le soja (Glycine max), le haricot rouge azuki (Vigna angularis) et la pérille (Perilla fructescens).
Cf. Gary W. Crawford (2017). Plant domestication in East Asia. In : Habu J., Lape P., Olsen J. (eds) Handbook of East and Southeast Asian Archaeology. Springer, New York, NY, 421-435., https://doi.org/10.1007/978-1-4939-6521-2_26

4 – Alain Bonjean et Benoît Vermander (2021). L’homme et le grain : une histoire céréalière des civilisations. Les Belles Lettres, Paris, 470 p. (sous presse – sortie en librairie prévue en octobre).

5 – Ibid 4.
Bien sûr, ce déplacement colossal de populations avait débuté bien plus tôt dans certaines régions du monde, mais c’est alors qu’il s’est à la fois systématisé, accéléré et mondialisé : depuis 2007, le seuil des 50% de citadins dans le monde a été franchi. Nous nous situons aujourd’hui autour d’un taux d’urbanisation mondial de 55%, avec des zones comme l’Europe ou l4Amérique du nord qui atteignent déjà 75% et 82%.

6 – Grand Larousse 2021.

7https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/SR15_Summary_Volume_french.pdf

8 – Concernant les ressources mondiales en sols et notamment les surfaces cultivables, lire les articles suivants : https://ressources.uved.fr/Grains_Module2/Ressources_sol/site/html/Ressources_sol/Ressources_sol.html ; https://www.academie-agriculture.fr/publications/encyclopedie/reperes/0705r04-lutilisation-des-terres-emergees-dans-le-monde

9 – John D. Durand (1977). Historical Estimates of World Population: An Evaluation. Population and Development Review 3, 3, 253-296 ; https://fire.biol.wwu.edu//trent/alles/World_Population.pdf ; https://www.statista.com/statistics/1006502/global-population-ten-thousand-bc-to-2050/ ; https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1631071308001247

10 – Données ONU.

11https://www.lesechos.fr/2018/05/en-2050-plus-de-deux-tiers-de-lhumanite-vivra-en-ville-990758

12 – Dès 1948, bien que peu entendus, les Américains Fairfield Osborne (1887-1969) et William Vogt (1902-1968) tiraient la sonnette d’alarme avec leurs livres
F. Osborne (1948). Our Plunderet Planet. Boston, Little Brown, 217 p.
W. Vogt (1948). Road to Survival. New York, Sloane Associates, 335 p.
N’hésitez pas à relire ces précurseurs, d’autant qu’ils ont été traduits en français.

13 – Déjà en 2018, des chercheurs finnois de l’Université de technologie de Lappeenranta (LUT) et du centre de recherche technique de Finlande (VTT) ont réussi à produire des protéines comestibles à l’aide essentiellement d’électricité renouvelable et de dioxyde de carbone.
https://www.rtflash.fr/pourra-t-on-se-nourrir-partir-co2-l-air/article

14 -W. Teixier (2013). L’hydroponie pour tous. Mama Editions, 19-22.

15 – E. Mollard, A. Walter (2008). Agricultures singulières. IRD Editions, 46-72.

16http://www.carbon.org/school/newclass/gericke.htm

17 – Culture hors sol sur une eau enrichie en éléments nutritifs du grec « hydros » pour l’eau et « ponos » pour travail.

18https://peoplepill.com/people/dennis-robert-hoagland/; son livre « The complete guide to soiless gardening » (1940) est accessible en lecture sous : https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.271694

19 – A.P. Withrow, R.B. Withrow (1948). Nutriculture. Purdue University, AES, 60 p. ; A.P. Withrow, R.B. Withrow (1947). Plant growth with artificial sources of radiant engergy. Plant Physiol. 22, 4, 494-513.

20 – A. Cooper (1979). ABC of NFT: Nutrient Film Technique – The World’s First Method of Crop Production Without a Solid Rooting Medium, International Specialized Book Service Inc., 181 p.

21 – Un Ficus benjamina.

22https://www.simplyhydro.com/aero_hydro/

23 – C. Lesaint, Y. Coïc (1983). Cultures hydroponiques. Paris, La Maison Rustique, 120 p.

24http://www.jacsmit.com/ ; J. Smit (1996). Urban Agriculture. Food, Jobs and Sustainable Cities. UNDP, New York, 302 p., http://www.jacsmit.com/book.html

25 – D. Despommier (2009). The rise of vertical farms. Scientific American 11, 32-39 ; D. Despommier (2010). The Vertical Farm: Feeding the World in the 21st Century. St. Martin’s Press puB. Froup, 320 p; https://www.livingcircular.veolia.com/fr/eco-citoyen/dickson-despommier-le-pere-fondateur-des-fermes-verticales ; http://www.verticalfarm.com/

26 – D. J. Boivin (1989). De l’occupation du sous-sol urbain à l’urbanisme souterrain. Cahiers de géographie du Québec 33, 88, 37-49 – https://www.erudit.org/fr/revues/cgq/1989-v33-n88-cgq2660/021998ar.pdf ; https://www.persee.fr/docAsPDF/spgeo_0046-2497_1982_num_11_2_3731.pdf

27https://global.ctbuh.org/resources/papers/download/449-the-vertical-farm-the-origin-of-a-21st-century-architectural-typology.pdf

28 – Pour mémoire, selon NewBeanCapital, la première ferme verticale de grande taille a été établie au Japon en 1983.
Pour toutes ces données concernant le développement de l’agriculture hors-sol en Asie, Cf . http://agfundernews.com/wp-content/uploads/2016/01/The-Rise-of-Asias-Indoor-Agriculture-Industry-White-Paper_FinalProtected.pdf

29 – La table à marée ou (en) Ebb and Flow est une forme de culture hydroponique. La culture à table à marée utilise le fait que la solution n’est pas laissée en contact constant avec les racines des plantes pour éviter la nécessité d’oxygénation ou de refroidissement de la solution, en encourageant l’oxygénation passive à un niveau élevé, ce qui tend à supprimer la croissance des agents pathogènes. On utilise une seule voie bidirectionnelle pour la solution : l’eau afflue et part par le même tube. Quand la pompe submerge les racines elle est rendue inactive au moyen d’un commutateur – typiquement une minuterie – et l’eau part par le même tube, éliminant le besoin d’un raccord supplémentaire et réduisant ainsi la complexité globale du système. L’avantage principal de la table à marée c’est qu’on peut l’utiliser avec n’importe quel substrat : terre, laine de coco, argile, etc…
Comme la table à marée, le seau à marée fonctionne avec une minuterie qui limite les périodes d’inondation des plantes, cependant ici sur ce système chaque plante évolue dans son propre pot. Un tuyau d’approvisionnement en eau alimente chaque pot depuis un seau principal relié au réservoir principal. Ce système permet d’espacer à sa guise les plantes sous les lampes de croissance pour leur permettre de grandir à leur convenance, sans restriction de taille.

30 – L’aquaponie est une version moderne d’un système de rizière en bassins piscicole développé en Chine par la dynastie Song (960 – 1279). Elle résulte de la fusion de l’aquaculture et de l’hydroponie, permettant de faire vivre dans un système fermé des plantes, des bactéries et des animaux aquatiques (poissons, crustacés principalement).

31 – En aéroponie, les fonctions de support et d’approvisionnement en eau et en éléments nutritifs, habituellement remplies en agriculture classique par le sol, sont assurées par des « supports de plantes », généralement en matière plastique, et par des vaporisations permanentes de solutions nutritives à base de sels minéraux tournant en circuit fermé au moyen d’une pompe.

32 – La bioponie est une technologie dérivée de l’hydroponie. Elle consiste à cultiver des plantes hors-sol à l’aide d’une solution nutritive organique et biologique (bactéries, champignons, micro-organismes).

33 – Selon Bloomberg, les investissements dans le secteur étaient de 85 millions de $ US en 2015. Ils sont passés selon la même source à 520 millions de $ US en 2015.

34https://leshorizons.net/hydroponie/

Savéol, leader de la tomate en France, produit ainsi 80 000 tonnes par an.

35https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/video-en-france-90-des-tomates-sont-cultivees-hors-sol_3499305.html

36https://www.60millions-mag.com/2019/07/12/des-tomates-bio-en-serre-mais-pas-en-hiver-15229

37 – Par exemple, la start-up Babylone Growers annonce « six millions de salades par an et par hectare, soit trois fois mieux que les meilleurs systèmes hydroponiques connus dans le monde ».
Source : https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/financer-sa-creation/0610573229713-agritech-babylone-growers-leve-2-millions-pour-maximiser-la-culture-hors-sol-342717.php

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