Inca d’espèce : banni au XVIe s. par les conquistadors espagnols, le quinoa réapparaît 500 ans plus tard dans notre alimentation !

Le quinoa (Chenopodium quinoa Willd., 1798), autrefois aussi appelé ansérine quinoa, blé des Incas, chénopode quinoa, petit riz, petit riz du Pérou1 fait partie de la famille des Amaranthacées. Phylogénétiquement, cette plante est proche des amarantes, de la betterave et de l’épinard2.

Cette pseudocéréale dicotylédone est une très ancienne culture andine précolombienne utilisée principalement en alimentation humaine pour ses graines et pour ses feuilles.

Culture traditionnelle de quinoa, district de Puno à proximité du lac Titicaca, Pérou @AlainBonjean

C’est une plante herbacée annuelle à racine pivotante puissante et tige érigée, robuste, branchue ou non de 0,3 à 2,0 m de haut, voire 3,0 m. Les feuilles sont alternes, ovales à triangulaires au pétiole glabre et aux marges lobées. L’inflorescence est une grappe de faux épis de glomérules de trois à cinq fleurs le plus souvent hermaphrodites, parfois femelles. La pollinisation est essentiellement autogame (en moyenne seulement 10% d’allogamie). Les graines sont petites, plates et rondes (1,0 à 3,6 mm de diamètre), de couleurs diverses, très marquées (jaune, rouge, brune, violette, verte, noir) et ont un léger goût de noisette.
On distingue traditionnellement les quinoas amers dont les enveloppes contiennent des saponines (sortes de savons naturels extraits par lavage à l’eau), agissant comme répulsifs naturels vis-à-vis des parasites, et les quinoas doux issus de sélection variétale moderne qui n’en contiennent que peu ou pas.

L’espèce est historiquement cultivée dans la cordillère andine et ses piedmonts du niveau de la mer aux environs de 4000 m d’altitude. Actuellement, sa culture se maintient dans cette vaste zone de manière traditionnelle principalement au Pérou et en Bolivie, mais aussi en Colombie, en Equateur, au Chili et en Argentine. Elle est depuis quelques décennies également expérimentée ou produites dans de nombreux autres biotopes au travers du monde.

Les premières traces de quinoa dans les Andes ont été retrouvées par des archéologues à Las Pircas dans le nord du Pérou ; datées de 7800-5800 AEC (avant l’ère commune), elles ont été interprétées comme une phase de pré-domestication de l’espèce3 où les feuilles et les graines de quinoa sauvage4 , Chenopodium hircinum Schrad. servaient déjà de nourriture5.

Plante de quinoa archaïque avec plusieurs panicules, dessin relevé sur une céramique de la culture Tiahuanaco. Source : FAO, Cultivos andinos, 2013.

Les plus anciens vestiges de quinoa en cours de domestication avancée, connus à ce jour, ont été retrouvés à Ayacucho au Pérou et datent de plus de 5000 ans AEC. D’autres provenant de Chinchorro dans le Nord du Chili ont été estimés autour de 3000 AEC6. Des trouvailles plus tardives sont associées avec la culture pré-Inca de Thiahuanaco qui s’étendait du sud du Pérou au nord du Chili à travers la Bolivie7 ; parmi elles, certaines céramiques représentent le quinoa avec plusieurs panicules sur une même tige, ce qui suggère un type primitif.

Dans une approche néo-vavilovienne les abords des lacs Titicaca et Poopó (entre 3600 et 3800 m) sont désormais considérés du fait de la très riche variabilité des quinoas qu’on y rencontre encore comme le centre d’origine principal de l’espèce.

Située de manière encore imprécise entre 6500 et 3000 AEC, sa domestication proviendrait soit d’un événement unique survenu dans les hautes terres précitées, soit d’un événement apparu dans ces hautes terres suivi d’un autre plus tardif localisé plus au sud sur la côte Pacifique8. Dans l’une ou l’autre hypothèse, ce processus a abouti à une augmentation notable de la taille de la tige, de celle de l’inflorescence et des graines, à un positionnement de l’inflorescence en bout de tige, à la perte des mécanismes de dispersion des graines à maturité et à des niveaux variés de pigmentations.

A gauche, cinq centres de diversification du quinoa : (a) Vallées inter-andines (Equateur-Colombie); (b) Yungas, vallées forestières tropicales amazonien (Bolivie) ; (c) Altiplano (Pérou, Bolivie, Argentine) ; (d) Salares (nord du Chili, sud de la Bolivie); (e) Basses terres, côtes (sud du Chili). Source : Bazile et al., 2013. A droite, différentes couleurs de graines de quinoa. @Gastromaniac.com

L’ancienneté de cette domestication et des pratiques agricoles progressivement associées, les mouvements historiques de populations et les échanges9 survenus dans les Andes depuis des millénaires ont abouti à une diversification remarquable de l’espèce en cinq grands groupes d’écotypes qui persistent encore dans les cinq espaces suivants: (a) Les vallées inter-andines arides ou humides en Colombie, en Équateur, au Pérou et en Bolivie : entre 2000 et 4000 m ; précipitations de 700 à 1500 mm ; température minimale de 3°C ; (b) Les Yungas ou terres tièdes de Bolivie tropicale : 1500 à 2000 m ; précipitations de 1000 à 2000 mm ; température minimale de 11°C ; (c) Les hautes terres froides du Pérou, de Bolivie et de l’Argentine : 3500 à 4000 m ; précipitations de 400-800 mm ; température minimale 0°C ; (d) Les Salares qui sont des sols salés de Bolivie, du Chili et de l’Argentine : tolérance au sel ; 3500 à 3800 m ; précipitations de 250 à 400 mm ; température minimale de -1°C ; (e) Les basses terres côtières du Chili généralement à des latitudes au sud du 30° de latitude Sud : adaptation aux jours longs ; souvent moins de 500 m ; précipitations de 800 à 1500 mm ; température minimale de 5°C.

Deux exemples d’adaptation des systèmes agricoles andins à des environnements différents. A gauche, système de waru-waru daté de 1000 AEC près du lac Titicaca, en bandes de terres riches en matière organique cultivées alternées avec des fossés remplis d’eau qui les irriguent et les protègent du froid dans les zones froides de l’altiplano. Source : @waruwarupermaculture. A droite, cultures en terrasses irriguées dans la Vallée sacrée de l’Urubamba au Pérou, près d’Aguas Calientes. Source : @AlainBonjean.


Durant ce long processus de domestication et de diversification, plusieurs populations andines ou circa-andines ont manifestement sélectionné régionalement divers génotypes en fonction de leurs utilisations et de leurs tolérances aux facteurs biotiques et abiotiques adverses auxquels ils étaient confrontés, pour aboutir aux plantes et écotypes d’aujourd’hui, dotés de différentes caractéristiques: « le Chullpi pour les soupes, le Pasankalla à griller, le Coytos pour la farine, le Reales pour la pissara (sorte de quiche), l’Utusaya pour sa résistance à la salinité, le Witullas et l’Achachinos pour leur résistance au froid, le Kcancollas pour sa résistance à la sécheresse, le Quellus ou graine jaune pour son rendement élevé, le Chewecas pour sa résistance à l’humidité excessive, l’Ayaras pour sa valeur nutritionnelle (bon équilibre acides aminés essentiels-protéines) et le Ratuquis pour sa précocité »10. Bien qu’il ait, semble-t-il perdu du terrain par rapport au maïs dans les dernières périodes Tiwanaku et Incas, le quinoa a continué à jouer un rôle central dans les communautés implantées en zones froides et at/ou arides11.

Pour les Amérindiens de l’Altiplano qui croyaient que toutes les plantes utiles étaient animées par un être divin, le quinoa, composante majeure de leur alimentation quotidienne (avec la pomme de terre, le maïs et la feuille de coca), était « chisiya mama » qui signifie en langue quechua la « mère de tous les grains». Il était sacré et symbolisait la fertilité de la terre. Ses graines représentaient la principale source de protéines pour ces peuples au régime presque exclusivement végétarien. Chaque année à Cuzco, l’Inca, dans une cérémonie solennelle, battait le sol avec une petite pelle d’or et semait en poquets les premières semences de quinoa et quelques mois plus tard il cueillait lui-même les premières graines avec d’autres outils en or12. La plante était également présente dans diverses cérémonies rituelles sous la forme de boissons (bière, chicha), de graines ou de mets (soupes, bouillies, gâteaux, etc.). Les Incas et les peuples qu’ils dominaient employaient aussi le quinoa comme plante médicinale et l’utilisaient dans divers remèdes du traitement des plaies et des fractures à celui des problèmes digestifs. Ils lui prêtaient des propriétés diurétiques, expectorantes, toniques et rafraîchissantes. Les cendres des tiges séchées, appelées « llipta », étaient mélangées avec des feuilles de coca et mâchées par les agriculteurs andins pour leur effet énergisant tandis que des « boules de guerre », constituées de quinoa, de maca, de spiruline et de graisses, soutenaient les guerriers incas lorsqu’ils marchaient sur de longues distance13. La consommation de sa graine était aussi recommandée pour les jeunes animaux.


Le premier Espagnolà évoquer la culture du quinoa dans les écrits qui nous sont parvenus semble être l’un des lieutenants du conquistador Francisco Pizarro, Pedro de Valdivia (1497-1553) qui signale sa culture autour de Concepción au Chili et mentionne que les autochtones se nourrissent de ses grains14. Dans ses « Comentarios Reales de los Incas » (Commentaires royaux des Incas), Garcilaso de la Vega (1539-1616) décrit le quinoa comme suit : « la plante ressemble beaucoup à la blette, aussi bien par la tige que par la feuille et la fleur, où s’engendre la quinoa. Les Indiens et les Espagnols mangent ses feuilles tendres dans leurs ragoûts, parce qu’elles sont savoureuses et très saines. Ils mangent aussi les graines dans leurs potages, faits de plusieurs façons ». Il ordonne la première expédition de graines vers l’Europe, qui parviennent malheureusement incapables de germer à destination, sans doute à cause de l’humidité des cales durant leur transport. A partir de 1532, la conquête espagnole et la christianisation forcée des populations andines par Francisco Pizzaro (1475-1541), perturba toutefois très brutalement le système agricole traditionnel inca. Certaines cultures comme celle du quinoa faillirent y disparaître parce que sa farine, faute de gluten, ne fournissait pas un pain de qualité et surtout parce que la plante était impliquée dans les rituels religieux incas, qui furent très rapidement bannis par les nouveaux maîtres15 et les servants de la foi chrétienne qui les accompagnaient. Les champs de quinoa furent alors détruits autour de Cuzco et Pizarro interdit la poursuite sa culture sous peine de mort. Le quinoa fut dès lors remplacé le plus souvent par l’orge et le blé, beaucoup moins bien adaptés à cet environnement qu’en Europe, et certains historiens supposent, ce qui nous paraît assez théorique, que l’introduction de bovins et d’ovins fournissant une nouvelle source de protéines rendit simultanément le quinoa moins essentiel16.

Néanmoins, malgré la domination espagnole et ses excès, la culture du quinoa fut perpétuée discrètement par des autochtones à petite échelle dans des zones andines isolées. Joseph Dombey (1742-1794), médecin et botaniste français appointé par Turgot pour botaniser au Pérou en compagnie de savants espagnols, en expédia des semences en France en 1778. Le grand géographe allemand Alexander von Humboldt (1769-1859) visitant la Colombie y redécouvre aussi en 1802 le quinoa ostracisé par les Conquistadors et affirme dans ses récits qu’il a toujours nourri les habitants du très peuplé département de Cundinamarca où se situe la capitale Bogota. Vu l’intérêt des habitants du Vieux continent pour les plantes exotiques, les expérimentations de quinoa se sont ensuite multipliées aux XVIIIe et XIXe siècles en Europe. Elles n’ont pas eu grand succès du fait de l’amertume des graines riches en saponines jusqu’à ce qu’en 1880 Le Littré nous indique dans sa définition du mot quinoa que « les journaux de 1837 ont annoncé que M. Vilmorin était parvenu à naturaliser en France le quinoa, ce qu’on avait jusque-là vainement essayé ». Il lui consacra une note importante dans le Bon jardinier de 1839. Ses descendants tentèrent d’en faire un remplaçant de l’épinard d’été avec un succès modeste jusqu’à ce que la Grande guerre enterre, entre autres, ces ambitions. D’autres nouveaux essais ponctuels de quinoa eurent lieu au milieu du XIXe siècle en Allemagne et en Angleterre, puis au Kenya en 193517.

Teneur en macronutriments du quinoa et d’autres aliments pour 100 g de poids sec. Source : Koziol, 1992 in : http://www.fao.org/quinoa-2013/what-is-quinoa/nutritional-value/fr/

EspècesQuinoaHaricotsMaïsRizBlé
Energie
Kcal/100 g

399

367

408

372

392
Protéines g/100 g
16,5

25,0

10,2

7,6

14,3
Lipides g/100 g
6,3

1,1

4,7

2,2

2,3
Glucides totaux
g/100 g

69,0

61,2

81,1

80.4

78,4

C’est donc après des siècles de tentatives de diffusions avortées que les pays industrialisés en quête, sous l’influence de divers mouvements végétariens, d’une alimentation saine ont successivement redécouvert dans les années 1980s les qualités nutritionnelles du quinoa : USA et Canada (tout début 1980s), Royaume-Uni (1983), Danemark (1984), Chine/Tibet (1984), Inde (1985), Pays-Bas (1986), Chine/hors Tibet (1988), Brésil et Cuba (1989)18. Dans la décennie suivante, deux projets européens « Crop Adaptation to Cool and Wet Climates, 1991–1996 » et « Quinoa – a multiple crop for EC’s Agriculture diversification, 1993–1997 », et le projet plus international « American and European test of quinoa » co-animés dès 1996 par Angel Mujica, Sven-Erik Jacobsen et Juan Izquierdo ont considérablement renforcé les efforts de recherche menés sur le quinoa sous différents angles (agronomie, production, sélection, post-récolte, nutrition, économie, etc.)19.

Le point d’orgue de ces travaux a été l’année 2013, déclarée Année internationale du quinoa par les Nations Unies qui a donné un statut de grande culture à l’espèce20. Pour mémoire, l’intérêt nutritionnel21 du quinoa grain réside dans sa haute richesse en protéines (16 à 18%) par rapport à celles des céréales et sa grande richesse en acides aminés essentiels notamment la lysine qu’on ne trouve normalement en quantité significative que dans la viande, le poisson et les œufs. Il ne contient pas de gluten et est très digeste, car riche en fibres utiles pour modérer l’index glycémique du repas, stimuler un transit paresseux et procurer la sensation de satiété. Il est aussi une bonne source d’alpha-amylase (une enzyme qui aide à digérer l’amidon), d’acides gras poly-insaturés, d’antioxydants, de sels minéraux et de vitamines B et E. La feuille du quinoa, valorisée comme légume en alimentation humaine, apporte quant à elle plus de protéines que d’autres espèces potagères comme le céleri, le cresson, le chou-fleur et les épinards.

Teneur en macronutriments du quinoa et d’autres aliments pour 100 g de poids sec. Source : Koziol, 1992 in : http://www.fao.org/quinoa-2013/what-is-quinoa/nutritional-value/fr/

EspècesQuinoaMaïsRizBlé
Calcium148,717,16,950,3
Fer13,22,10,73,8
Magnésium249,6137,173,5169,4
Phosphore383,7292,6137,8467,7
Potassium926,7377,1118 ,3578,3
Zinc4,42,90,64,7


Pour toutes ces raisons, le quinoa peut être perçu comme un super-aliment22 pour toutes les personnes désirant réduire leur consommation de viande, ainsi que pour les végétariens et végétaliens, les femmes enceintes et allaitantes. La NASA envisage également de l’utiliser pour de futures missions de longue durée nécessitant des cultures à bord d’un vaisseau spatial23.

Ce qui fait aussi la récente popularité du quinoa, c’est qu’à l’instar du blé, il est à la base d’une infinité de recettes24 et qu’il est bon tant au niveau texture que du goût. Bien entendu, on peut le consommer en grain ou en boulgour cuit à l’eau bouillie dans des gruaux ou froid en salades ou entrées. Sa farine peut également être utilisée de multiples façons en panification ou pâtisserie, mais aussi pour accompagner des mets principaux ou réaliser des desserts ou des glaces. Fermenté, le quinoa peut également permettre de produire des bières ou des alcools typés.

Production mondiale et répartition du quinoa. Source : Ruiz Carrazco et al., 2013

Ces dernières années, le Pérou et la Bolivie, premiers producteurs mondiaux25, se sont affrontés pour exporter massivement ce grain en faisant tripler les prix au point que leurs populations ne sont souvent plus en mesure de s’offrir financièrement cet aliment de leur régime traditionnel. Aujourd’hui, plus de 90 pays (dont la France) cultivent du quinoa à petite échelle car, du fait de sa large d’adaptabilité à divers environnements, l’espèce apparait comme une culture alternative envisageable face au réchauffement climatique26. Simultanément nombre d’ONGs plaident, sans se soucier du coût carbone d’un aliment produit sur la côte Pacifique, pour la mise en place d’un commerce andin équitable, d’autant que la Chine s’est mise depuis peu à en importer massivement d’Amérique andine tout en commençant d’en produire, accroissant l’instabilité de ce marché.

Notre SAS BONJEAN & ASSOCIES qui a établi depuis sa création un partenariat avec la société danoise Quinoa Quality ApS., créée par un des spécialistes mondialement reconnu du quinoa, le Dr. S.-E. Jacobsen, peut fournir des semences de variétés amères ou douces, voire des lots de grain, sur demande transmise à alain@bonjean-associes.com ou apbonjean@gmail.com.

Si le sol est finement préparé, pauvres en adventices de la même famille botanique (chénopodes, amarantes) et la levée réussie, sa culture de printemps (semis en mars, récolte en septembre) n’est pas très compliquée27 en Europe de même que sa récolte à la moissonneuse-batteuse moyennant quelques réglages, d’autant que le faux-argument longtemps entendu de la « difficulté » du lavage à l’eau des saponines (lesquelles peuvent être récupérées soit pour l’industrie des cosmétiques, soit pour la fabrication de produits de traitement bio) à la récolte, n’existe plus avec les variétés douces sélectionnées récemment. En France et en Europe du nord, les rendements oscillent entre 2,0 et 4,5 t/ha selon les cultivars et surtout les conditions environnementales. Il est à souligner que le quinoa présente l’avantage de bien structurer le sol.

S’il est essentiel de penser aux débouchés avant de se lancer dans cette nouvelle production, toutes les études actuelles confirment qu’il existe une forte demande de consommateurs urbains pour ce produit, notamment en bio, ce qui ouvre, pour qui peut créer un site web et une marque, la possibilité de vente en circuit court comme cela existe déjà pour d’autres produits.

Plus largement, à l’heure de la prise en compte du bilan carbone de la planète, l’avenir du quinoa – ce rescapé inespéré de l’invasion espagnole en Amérique du sud – hors de sa zone andine traditionnelle de production pourrait se jouer dans les décennies à venir entre deux hypothèses qui ne sont pas forcément antagonistes l’une de l’autre :

  1. La stabilisation d’un marché de niche dans les pays les plus riches entre la recherche d’une forme de commerce équitable établie durablement avec les producteurs andins et des productions made in local.
  2. L’augmentation de son volume mondial de production en réponse aux contraintes du réchauffement climatique avec la création de nouveaux bassins de production du fait de sa grande diversité génétique et de sa résistance à de nombreux stress, notamment abiotiques.

Alain Bonjean
Orcines, 9 août 2020

Mots-clefs : quinoa, blé des Incas, Chenopodium quinoa, pseudo-céréale, Amaranthacée, domestication, culture précolombienne, plante alimentaire, plante potagère, graines, feuilles, bouillie, lait végétal, alcool, saponines, acide oxalique, gluten free, Pérou, Chili, commerce équitable, bilan carbone

1 – Anglais : quinoa, Peruvian rice ; allemand : quinoa : néerlandais : quinoa : Italie : quinoa, chinua ; espagnol : quinoa, quinua, trigo inca, triguillo ; portugais : quinoa ; quechua : chisiya mama, kinua, kinuwa, kitaqañiwa, kuchikinwa, ayara ; aymara : tupapa supha, jopa, jupha, juira, ära, qallapi, linquiñique, hupa ; chibcha : suba, pasca ; mapudungun : dawe, sawe, chichiconwa.

2 – G. Kadereit et al. (2003). Phylogeny of Amaranthaceae and Chenopodiaceae and the evolution of C4 photosynthesis. Int. J. Plant Sci. 164, 6, 959-986. ; Donald B. Pratt (2003). Phylogeny and morphological evolution of the Chenopodiaceae-Amaranthaceae alliance. Iowa State University. Retrospectives Theses and Dissertations. 613. https://lib.dr.iastate.edu/rtd/613 ; Susy Fuentes Bazan et al. (2012). A novel phylogeny-based generic classification for Chenopodium sensu lato, and a tribal rearrangement of Chenopodioideae (Chenopodiaceae). Willdenovia 42, 5-25 ; Rajkumari Jashmi Devi et al. (2017). Evolutionary divergence in Chenopodium and validation of SNPs in chloroplast rbcL and matk genes by allele-specific PCR for development of Chenopodium quinoa-specific markers. The Crop Journal 5, 1, 32-42.

3 – T.D. Dillehay. (2011). From Foraging to farming in the Andes. New perspectives on food production and social organization. Cambridge University Press.

4 – L’étude du génome du quinoa (1.45 à 1.50 Gpb) a permis de monter que cette espèce allotétraploïde (2n = 4x = 36) résultait d’une hybridation spontanée survenue voici 3,3 à 6,3 millions d’années entre deux espèces sauvages diploïdes dont serait issu le complexe de l’espèce sauvage tétraploïde Chenopodium hircinum Schrad.
D. Bazile (2014). The high genetic diversity of Chenopodium quinoa Willd. and its global expansion, IMAS-CIRAD-ANR https://eorganic.info/sites/eorganic.info/files/u15/Didier%20-%20BAZILE_Conf%20Pullman%20August%2012,%202013-VF.pdf ; D. Bazile, F. Baudron (2015). The dynamics of the global expansion of quinoa growing in view of its high biodiversity. Chap. 1.4.
https://www.researchgate.net/profile/Didier_Bazile2/publication/274376582_The_dynamics_of_the_global_expansion_of_quinoa_growing_in_view_of_its_high_biodiversity/links/551ce4130cf20d5fbde55d52/The-dynamics-of-the-global-expansion-of-quinoa-growing-in-view-of-its-high-biodiversity.pdf?origin=publication_detail

B. Kolano et al. (2016). Molecular and cytogenetic evidence for an allotetraploid origin of Chenopodium quinoa and C. berlandieri (Amaranthaceae). Mol. Phylogenet. Evol. 100, 109–123 ; David E. Jarvis et al. (2017). The genome of Chenopodium quinoa. Nature 542, 307-312 ; Tony Heitman et al. (2020). Satellite DNA landscapes after allotetraploidization of quinoa (Chenopodium quinoa ) reveal unique A and B subgenomes. The Plant Journal https://doi.org/10,1111/tpj.14705

5 – Cette pratique de consommation de quinoa sauvage se serait poursuivie significativement parallèlement aux cultures au Pérou, en Argentine et au Chili jusque vers 3000 AEC, même après les premières protocultures, et existe encore relictuellement les années de mauvaise récolte. J’ai pu moi-même observer cet usage au Pérou.

6 – N.W. Galwey, C.LA. Leakey, K.R. Price., G.R. Fenwick (1990). Chemical composition and nutritional characteristics of quinoa (Chenopodium quinoa Willd.). Food Sci. Nutr., 42, 4, 245-261.

7 – M.C. Bruno & W.T. Whitebread (2003). Chenopodium cultivation and formative period agriculture at Chiripa, Bolivia. Latin Amer. Antiquity 14, 339-355.

8 – H. Gandarillas (1979). Genética y origen. In: M. Tapia (dir.). Quinua y Kañiwa, cultivos andinos. Bogota, Colombia, CIID, Oficina Regional para América Latina, 45-64. ; C. Risi. & N.W. Galwey (1984). The Chenopodium grains of the Andes : Inca crops for modern agriculture. Adv. Appl. Biol. 10, 145–216. A. Brack Egg (2003). Peru: diez mil anos de domesticación. Lima, editorial Bruño; Didier Bazile (2015). Le quinoa, les enjeux d’une conquête. Editions Quæ, Coll. Essais, 112 p.

9 – Les Incas ont notamment transmis des semences de quinoa à différents groupes aborigènes qu’ils n’ont jamais conquis comme les Mapuches du Chili et d’Argentine ou les Chibchas du nord de la Colombie, tous vivant dans des environnements très différents de ceux de l’empire inca.

10http://www.fao.org/quinoa-2013/what-is-quinoa/origin-and-history/fr/?no_mobile=1

11 – P. Goldstein (2003). From Stew-eaters to Maize Drinkers, The Chicha Economy and the Tiwanaku Expansion. In T.L. Bray, ed. The Archaeology of Politics of Food and Feasting in Early States and Empires. New York, Springer, 143-172.

12 – C.J. Risi, N.W. Galwey (1984). The Chenopodium grains of the Andes : Inca crops for modern agriculture. Adv. Appl. Biol., 10, 145-216 ; National Research Council (189). Lost crops of the Incas : little-known plants of the Andes with promise for worldwide cultivation. Washington, DC, USA, National Academy Press, 149-161.

13 – W. Martindale (1892) Coca and cocaine: Their history, medical and economic uses, and medicinal preparations. 3ème éd. London, H. K. Lewis. ; E. Small (2013). Quinoa-is the United Nations’ featured crop of 2013 bad for biodiversity? Biodiversity, 14, 3, 169-79.

14 – Pour obtenir une description précise de la plante, il fallut toutefois attendre l’édition du journal du R.P. Feuillée, Journal des observations botaniques faites sur les Côtes orientales de l’Amérique méridionale (1707 à 1712), publié en France en 1714 et 1725.

15 – Alain Bonjean et Benoît Vermander (2021). Le char de Tryptolème : céréales, rituels et savoirs dans l’histoire (in press).

16 – Lors du premier contact avec les Européens, les Incas avaient pour animaux principaux l’alpaca, le chien, le canard de Barbarie, le cobaye, le lama (seul animal de bât précolombien) et le poulet. J.P. Digard (1992). Un aspect méconnu de l’histoire de l’Amérique : la domestication des animaux. L’Homme 32, 122, 253-270 ; Alice A. Storey, Daniel Quiroz, Nancy Beavan and Elizabeth A. Matisoo-Smith (2020). Pre-Columbian chickens of the Americas : A critical review of the hypothèses and evidence for their origins. Rapa Nui Journal 25, 5-19.

17 – L.A. Elmer (1942). Quinoa (Chenopodium quinoa). East Afr. Agric. J. 8, 21–23. https://doi.Org/10.1080/03670074.1942.11664212

18 – Didier Bazile, Sven-Erik Jacobsen et Alexis Verniau (2016). The global expansion of quinoa : trends and limits. Front. Plant Sci. 7, 622. https://doi.org/10.3389/fpls.2016.00622

19 – Ibid. ; D. Bazile and F. Baudron (2015). “The dynamics of the global expansion of quinoa growing in view of its high biodiversity,” in State of the Art Report on Quinoa Around the World in 2013, eds D. Bazile, H. D. Bertero, and C. Nieto (Roma: FAO & CIRAD), 42–55; J.L. Christiansen, S.-E. Jacobsen, and S.T. Jørgensen (2010). Photoperiodic effect on flowering and seed development in quinoa (Chenopodium quinoa Willd.). Act Agric. Scand. 60, 539–544 ; J. Izquierdo, A. Mujica, J.P. Marathee, and S.-E. Jacobsen (2003). Horizontal, technical cooperation in research on quinoa (Chenopodium quinoa Willd.). Food Rev. Int. 19, 25–29.; S.-E. Jacobsen (1997). Adaptation of quinoa (Chenopodium quinoa) to Northern European agriculture: studies on developmental pattern. Euphytica 96, 41–48. ; S.-E. Jacobsen (2003). The worldwide potential of quinoa (Chenopodium quinoa Willd.). Food Rev. Int. 19, 167–177.; A. Peterson, S.-E. Jacobsen, A. Bonifacio and K. Murphy (2015). A crossing method for quinoa. Sustainability 7, 3230–3243 ; A. Zurita-Silva, F. Fuentes, P. Zamora, S.-E. Jacobsen, and A. Schwember (2014). Breeding quinoa (Chenopodium quinoa Willd.): potential and perspectives. Mol. Breed. 34, 13–30. https://doi.org/10.1007/s11032-014-0023-5

20 – FAO & CIRAD. 2015. State of the Art Report of Quinoa in the World in 2013, by D. Bazile, D. Bertero & C. Nieto, eds. Rome. ; http://www.fao.org/3/i4042e/I4042E.pdf

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22 – Marie Herbillon (2015). Le quinoa : intérêt nutritionnel et perspectives pharmaceutiques. Sciences Pharmaceutiques https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01172250/document

23 – Greg Schlick and David L. Bubenheim (1993). Quinoa : An emerging « new » crop with potential for CELSS. NASA tec. Paper 3422. https://ntrs.nasa.gov/archive/nasa/casi.ntrs.nasa.gov/19940015664.pdf ; http://www.fao.org/zhc/detail-events/fr/c/283489/

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25 – Karina Beatriz Ruiz Carraccco et al. (2013). Quinoa biodiversity and sustainability for food security under climate change. A review. Agron. Sustain. Dev. https://doi.org/10.1007/s13593-013-0195-0/

26 – Sirpaul Jaikishun et al. (2019). Quinoa : in perspective of global challenges. Agronomy 9,4, 176, https://doi.org/10.3390/agronomy9040176

27https://www.biowallonie.com/wp-content/uploads/2017/08/Montage-Fiche-technique-quinoa-HD.pdf ; https://www.agrimaroc.net/2018/05/22/les-cultures-alternatives-le-quinoa/

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