Le goyavier, généreux fruitier pantropical.

Très éloigné de sa terre natale, mon premier souvenir du goyavier (Psidium guajava L., 1793), parfois appelé poirier des Indes (anglais : guava ; espagnol : guajava ; portugais : goiaba ; autres noms étrangers, cf. Psidium guajava (guava) | CABI Compendium (cabidigitallibrary.org)), remonte au début des années 1980 à une déambulation dans les marchés de la vieille cité de Jérusalem en Israël, où ses fruits embaumaient les ruelles de la ville « Trois fois sainte » par un chaud mois de juin où j’étais venu négocié l’accès à une variété de ricin industriel. Leur parfum entêtant et suave aux notes de pêche, de musc et de cannelle entremêlés convenait parfaitement à l’atmosphère mystique et cosmopolite des lieux et semblait comme un appel angélique à les visiter, dépassant les tensions latentes entre les ethnies y cohabitant. La douceur du jus de cette Myrtacée, pulpeux et épais, légèrement sucré-salé, aux arômes exotiques et désaltérants, m’a immédiatement séduit. Depuis, parcourant la planète, j’en ai retrouvé en Amériques, en Afrique et en Asie centrale, du Sud-Est et en Chine. Je ne m’en suis jamais lassé et je continue de faire découvrir son fruit frais chaque fois que je le peux.


Atmosphère du marché de la Vieille Jérusalem ; fruits et jus de goyave ©MZaltoun

C’est un petit arbre tortueux à racines peu profondes pouvant atteindre 3-9 m, voire12 m, originaire d’Amérique latine tropicale, dont l’aire d’origine sans doute plus limitée est encore inconnue – toutefois, les biomes allant au Brésil de la forêt côtière atlantique à la savane néotropicale intérieure du Cerrado sont reconnus comme le centre diversité du genre Psidium1 au sein duquel les botanistes considèrent aujourd’hui que P. guajava forme un complexe d’espèces avec P. guineense Sw., P. guyanense Pers., P. nutans O. Berg., P. rostratum McVaugh, et P. rutidocarpum Ruiz & Pavet2 et les traces archéologiques du goyavier apparaissent également plus anciennes en Amérique du sud qu’en Amérique centrale3. Il en résulte que le processus de sa domestication pourrait avoir eu lieu dans les basses terres du bassin sud-ouest de l’Amazone, mais il n’est pas définitivement cerné4.
Lors du second voyage de Christophe Colomb, le Frère Ramón Pané de l’ordre de Saint-Jérôme qui l’accompagnait et séjourna sur l’île d’Hispaniola (aujourd’hui Saint-Domingue) entre 1494 et 1499 pour y apprendre la langue des populations Tainos natives fut le premier Européen à signaler la consommation de son fruit, la goyave, sous l’appellation locale de « guabazza » dans son livre « Relación Acerca de las Antigüedades de los Indios »5.Les Aztèques l’appelaient simultanément « xalxocotl », c’est-à-dire « prune des sables »6.


Carte situant l’emplacement des sites archéologiques de présence du goyavier dans les Amériques. Les étoiles et les triangles représentent les sites archéologiques où des micro- et macro-restes ont été respectivement trouvés. Les couleurs indiquent les tranches d’âges calibrées © Arévalo-Marin et al., 2021


Très rapidement, les navigateurs portugais et espagnols ont largement contribué à la diffusion de cette espèce en Afrique et en Asie – on sait qu’en 1590, l’empereur moghol Akbar en consomma à sa table. Le goyavier est aujourd’hui planté ou naturalisé – il peut être invasif car ses petites graines sont aisément diffusées par divers animaux – dans la plupart des zones tropicales sèches de la planète7 situées en dessous de 1700 m. Les Egyptiens l’ont longtemps cultivé et il a probablement de là été diffusé durant la période historique en Palestine8 ; on le voit aussi occasionnellement en Algérie et sur la côte méditerranéenne de France.

Cet arbre (2n = 2x = 22 prédominant, avec des cas de polyploïdie chez les cultivars9 ; petit génome 2C= 0,95 pg10) est caractérisé par une écorce brun pâle à cuivrée, lisse, peu epaisse, desquamant par plaques sur une sous-couche verdâtre. Ses feuilles sont elliptiques à oblongues-elliptiques, longues de 7 à 15 cm, larges de 3 à 5 cm, arrondies ou aiguës à l’apex, arrondies à la base, densément pubescentes au-dessous et formant un fin duvet ; elles ont 12 à 20 paires de nervures latérales, parallèles, proéminentes au-dessous.


Tronc, feuille, fleur et jeunes fruits de goyave ©DJStang, CCBYSA4.O, ©Saadkhan12345, CC BY-SA 4.0, ©Sabina Bajracharya, CC BY-SA 4.0, ©Cirad

Le goyavier arbre fleurit dès sa deuxième année, atteint sa maturité sexuelle à 5-8 ans et peut vivre 40 ans, même s’il produit habituellement un maximum de fruits entre 15 et 25 ans11. Les fleurs sont solitaires ou en cymes par 2-3. Elles comportent un calice entier, pubescent et persistant à 4-6 lobes de 10-15 mm de long et 4-5 pétales oblongs-elliptiques blancs de 10-20 mm, avec de très nombreuses étamines (150-200) de 6-10mm et un style de plus ou moins 10 mm12. La pollinisation peut être autogame mais est généralement allogame et entomophile13.


Détails de deux variétés commerciales de goyave, Bogotá, Colombie © Arévalo-Marin et al., 2021

Le fruit est une baie globuleuse, ovoïde à pyriforme, longue de 3-10 cm de couleur jaune clair, rosé à cramoisi et une chair granuleuse, la pulpe centrale est juteuse blanche ou rouge parsemée de nombreuses graines très dures longues d’environ 3 mm.

Le goyavier s’adapte à divers types de sol, bien qu’il préfère les sols argileux à argilo-sableux, profonds, fertiles et bien drainés14. Il est à souligner que le goyavier est une espèce héliophyle. Il a besoin d’une photopériode de plus de 10h et de températures entre 20 et 30°C pour bien germer15. De plus, l’exposition des arbres matures au plein soleil leur assure une bonne croissance et une abondante fructification16. Par contre, ils craignent terriblement le gel.

D’un point de vue nutritionnel17, la goyave est peu calorique – 33 calories aux 100 grammes, et peu chargée en sucres : 5,5 g aux 100 g en moyenne, même si certaines variétés peuvent atteindre jusqu’à 12 g aux 100 g. Elle contient plus de fibres solubles que la pomme et est une excellente source de pectine et d’eau de bonne qualité qui favorise une faible teneur en cholestérol et aide à prévenir les cancers gastro-intestinaux, d’où ses fréquentes préparations en jus, glaces, gelées ou confitures Elle est particulièrement riche en acide ascorbique et en vitamine C et en contient 5 fois plus que l’orange. Elle renferme aussi beaucoup d’antioxydants tels par exemples des caroténoïdes (précurseurs de la vitamine A), des vitamines B (B1, B2, B5 et surtout B3 ou PP), des flavonoïdes ainsi que des antihistaminiques qui procurent une protection contre les toxines environnementales, hydratent la peau et la rendent douce. La goyave fournit aussi beaucoup de minéraux : potassium (273 mg aux 100 g), du calcium (20 mg aux 100 g), magnésium (13 mg aux 100 g) et sodium (4 mg aux 100 g). Son ratio potassium sur sodium lui donne de fortes propriétés diurétiques. Ce fruit contient aussi des oligoéléments comme du fer (0,8 mg aux 100 g), du zinc (0,20 mg aux 100 g) et du cuivre (0,11 mg aux 100 g). Ses graines, fréquemment considérées comme un déchet, contiennent 16% de protéines, 18% d’huile, 20% de fibres et 44% de glucides sur une basse de matière sèche. L’huile riche à 77% en acide linoléique peut avoir des applications en alimentation et en peinture, les protéines sont utilisables également en alimentation bien que pauvres en lysine.


Effets pharmacologiques principaux du goyavier © Barbalho et al., 2012

En médecine traditionnelle18, les bourgeons et les feuilles peuvent être mâchés ou servir à fabriquer une tisane souveraine contre les diarrhées. Les principaux constituants des feuilles de goyave sont des composés phénoliques, des isoflavonoïdes, l’acide gallique, la catéchine, l’épicathéine, la rutine, la naringenine, le kaempferol. La pulpe est riche en acide ascorbique, caroténoïdes (lycopène, β-carotène et β-cryptoxanthine). Les graines, la peau des fruits et les écorces possèdent des glycosides, des caroténoïdes et des composés phénoliques. Toutes les parties de la plante ont été utilisées à des fins différentes : protection hépatique, antioxydant, anti-inflammatoire, anti-spasmodique, anti-cancer, antimicrobien majeur, antoprotozoaire (Entaeba, Giardia, Trichomonas notamment), anti-hyperglycémique, anti-diabétique, analgésique, protection des cellules progénitrices endothéliales, anti-stomachique, Spasmolytique intestinal et anti-diarrhéique majeur.

En ébénisterie19, le bois très dur du goyavier est aussi très apprécié pour fabriquer des sculptures, des objets du mobilier d’intérieur et divers aménagements extérieurs.

Ceci justifie bien des raisons de promouvoir le goyavier !

Alain Bonjean, 138e article
Orcines, le 22 juin 2023

Mots-clefs : goyavier, Psidium guajava, myrtacée, petit arbre, pantropical, héliophile, fruitier, médicinal, ébénisterie

1 – G.M.D. Conceição and J.G. Aragão (2010). Diversidade e importância econômica das Myrticeae do Cerrado, parque estadual do mirador, 1-8.., Maranhão. Sci. Plena 6

2 – L.R. Landroum (2021). Psidium guajava L.: taxonomy, relatives and possible origin, in Guava: botany, production and uses, ed. S. Mitra (Wallingford: Cab International), 1–21. doi: 10.1079/9781789247022.0001

3 – E. Arévalo-Marin et al. (2021) The taming of Psidium guajava: natural and cultural history of a neotropical fruit. Frontiers in Plant Science 12, art. 714763.

4 – Ibid 2.

5 – R. Pané ( fin XVe s.). Relación de Fray Ramón acerca de las antigüedades de los indios – Colección de Libros Raros o Curiosos que tratan de América, México: Ediciones Letras de México, rééd. 1932, 442 pp., Ibero-American Electronic Text Series: Relación de Fray Ramón acerca de las antigüedades de los indios: Contents (wisc.edu)

6Petite histoire de la goyave | LaNutrition.fr

7Psidium guajava L. | Plants of the World Online | Kew Science

8 – C.V Pommer and K. R.N. Murakami. (2009). Breeding Guava (Psidium guajava L.), In: S.M. Jain, P.M. Priyadarshan (eds.), Breeding Plantation Tree Crops: Tropical Species, DOI 10.1007/978-0-387-71201-7 3, C Springer Science+Business Media, LLC 2009, 83-120

9Frontiers | The Taming of Psidium guajava: Natural and Cultural History of a Neotropical Fruit (frontiersin.org)

10 – Ibid 7.

11Psidium guajava (guava) | CABI Compendium (cabidigitallibrary.org)

12 – L.T. Kwee and K.K. Chong (1990). Botany and cultivars, In: Guava in Malaysia – Production, Pests and Diseases. Tropical Press, Kuala Lumpur, 21-51.

13 – M. D. L Torres and B. Gutiérrez (2018). A preliminary assessment of the genetic diversity and population structure of guava, Psidium guajava, in San Cristobal, in Understanding Invasive Species in the Galapagos Islands, eds M. L. Torres and C. F. Mena (Berlin: Springer), 3–17. doi: 10.1007/978-3-319-67177-2_1

14 – C. M. Menzel (1985). Guava: an exotic fruit with potential in Queensland. Queensl. Agric. J. 111, 93-98.

15 – Ibid 13.

16 – R.E. Paull and O. Duarte (2012) Guava In: Tropical fruits, Volume 2, eds O. Paull and R. E. Duarte (Wallingford: CABI International), 91–122. doi: 10.1079/9781845937898.0091

17Psidium guajava (guava) | CABI Compendium (cabidigitallibrary.org) ; Les caractéristiques de la goyave | LaNutrition.fr ;

18 – S.M. Barbalho et al. (2012). Psidium Guajava (Guava). A plant of multipurpose medicinal applications. Medicinal and Aromatic Plants 1, 4, 1000104, http://dx.doi.org/10.4172/2167-0412.1000104 ; M. Kumar et al. (2021). Guava (Psidium guajava L.) Leaves: Nutritional Composition, Phytochemical Profile, and Health-Promoting Bioactivitie. Foods 10, 752, Foods | Free Full-Text | Guava (Psidium guajava L.) Leaves: Nutritional Composition, Phytochemical Profile, and Health-Promoting Bioactivities (mdpi.com) ; Psidium guajava L (doc-developpement-durable.org) ;

19Bois de goyavier : un exemple d’insertion par l’économie (departement974.fr) ; Le Tour du bois de Goyavier : Une expo originale et décentralisée (zinfos974.com) ;

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