Beauté du câprier et saveur exquise de ses condiments.

Dans mes souvenirs méditerranéens, la délicatesse de la fleur du câprier (Capparis spinosa L., 1753), aussi appelé câprier épineux, fabagelle, tapénier1, est l’image identitaire de ces territoires qui me vient aussitôt à l’esprit. Voici quelques années, en compagnie de mon épouse, j’en ai découvert sous un soleil de plomb, un plant fleuri, vert bronzé et turgescent, ancré dans les gradins de ce lieu de mort médiatique que reste par delà les siècles le Colisée de Rome et y ait vu, un pied de nez ironique de la vie, après tout le sang et l’effroi déversés au cœur de cet ogre monumental pour satisfaire les pires passions humaines. L’accent circonflexe qui écrase son « a » me remémore aussi la saveur unique de ses câpres, c’est-à-dire de ses boutons floraux confits dans une saumure vinaigrée, que l’on retrouve subtilement mêlée au feu de l’estragon dans la sauce gribiche.

Câprier subspontané du Colisée, Rome, Italie, juin 2009 ©AlainBonjean

Le genre Capparis appartient à la famille des Capparacée2, voisine de celle des Brassicacées, et comprend 350 espèces d’origines tropicales, subtropicales, dont beaucoup se seraient ensuite acclimatées au bassin méditerranéen et à l’Asie centrale.

Le câprier apparaît être un hybride spontané entre C. orientalis et C. sicula3. Les botanistes en distinguent deux sous-espèces4 C. spinosa subsp. spinosa L. distribuée dans le sud de l’Europe, l’Afrique du Nord incluant le Sahara, la péninsule arabique, et d’autres terroirs allant du Moyen-Orient aux portes occidentales de la Chine et C. spinosa subsp. rupestris. (Sibth. & Sm.) Nyman aux rameaux totalement glabres, à la fin inermes et aux épines fines, aisément caduques, présente en France, Italie, Espagne, Slovénie, Malte, Croatie, Albanie et aussi en Turquie, Grèce, Algérie, Lybie et Tunisie.
Comme cela a été confirmé par de multiples découvertes archéologiques5 en Egypte d’il y a 17 000 ans, d’Irak datées de 5800 av. J.-C. et de Chine de 2800 av. J.-C. le câprier est connu depuis très longtemps pour la cueillette à la main de ses boutons floraux non encore épanouis et aussi de ses fruits. Avec les premiers confits au sel de mer sec ou en saumure et conservés au vinaigre, on fabrique toujours un condiment, la câpre ; avec les seconds marinés un autre à peine moins connu, le câpron.

Câpres à gauche et câprons à droite ©DreamFood

Distribution spontanée de l’espèce ©KewGardens6




Cette espèce xérophyte7, très tolérante à la sécheresse et aux fortes températures, est un arbrisseau sous-ligneux aux racines multiples et profondes, fixatrices d’azote8, qui peut atteindre 1 m de haut. Sa souche émet de nombreuses tiges couchés ou dressées, longues de 1 m, voire plus, pubescentes au sommet. Celles-ci portent des feuilles alternes, ovales arrondies, à pétiole muni à la base de 2 épines recourbées, acérées. La floraison a lieu de mai à juillet dans l’hémisphère nord et peut durer 5 mois. Les fleurs abondantes ne durent qu’une journée. Elles sont grandes d’un blanc rosé, solitaires sur des pédoncules épais, à 4 sépales verdâtres et 4 longs pétales obovales. Les étamines fines, élégantes, de couleur violette sont nombreuses et dépassent la corolle. Le stigmate est sessile. La pollinisation est croisée. La baie en forme de rein contient de nombreuses petites graines.


Culture de câpriers au Maroc,1997 ©AgriMaroc


D’un point de vue médicinal9, la câpre contient de nombreux principes actifs dont la capparidine qui lui donne son goût particulier, de la provitamine A et de la vitamine C, du calcium, du sodium, du magnésium et du potassium, des flavonoïdes et des antioxydants. Elles sont pauvres en calories et en graisses. Les médecines traditionnelles des zones câprières en recommandent la consommation pour lutter contre le stress oxydatif, réguler la pression artérielle, faciliter la digestion et stimuler la libido. L’extrait des racines est aussi employé pour lutter contre la faiblesse capillaire et traiter les plaques rouges de la peau.


Alain Bonjean, 161e article
Orcines, le 1er février 2024

Mots-clefs : câprier, Capparis spinosa, Capparacée, arbrisseau, xérophyte, câpre, câpron, capparidine, condiments, médecine traditionnelle

1 – Allemand : Dorniger Kapernstrauch ; anglais : capter, caper busch, caper tree, spiny caper; arabe: kabbar; catalan: taperera; espagnol: alcaparra, alcaparro, tapenera; grec: kάππαρη ; italien : cappero comune).

2Capparis spinosa – synthese – eFlore – Tela Botanica (tela-botanica.org)

3 – D. Rivera et al. (1999). Taxonomic study of cultivated Capparis sect. Capparis in the western Mediterranean, in Taxonomy of Cultivated Plants, ed S. Andrew, A. C. Leslie, and C. Alexander (England: Royal Botanic Gardens), 451–455.

4 – C. Inocencio et al. (2006). A systematic revision of Capparis section Capparis (Capparacées). Annals of the Missouri Botanical Garden 93, 1, 122-149; H. Rankou et al. (2020). Capparis spinosa, Caper, vu sur www.iucnredlist.org ; A taxonomic revision of the Capparis spinosa group (Capparaceae) from eastern Africa to Oceania | Phytotaxa (biotaxa.org)

5Frontiers | Capparis spinosa L. in A Systematic Review: A Xerophilous Species of Multi Values and Promising Potentialities for Agrosystems under the Threat of Global Warming (frontiersin.org)

6Capparis spinosa L. | Plants of the World Online | Kew Science

7Capparis spinosa L. in A Systematic Review: A Xerophilous Species of Multi Values and Promising Potentialities for Agrosystems under the Threat of Global Warming (nih.gov)

8 – G. Andrade et al. (1997). Isolation and identification of N2-fixing microorganisms from the rhizosphere of Capparis spinosa (L.). Plant Soil. 197, 19–23. doi: 10.1023/A:1004211909641

9 – M. Heseam Shahrajabian et al. (2021). Plant of the Millennium, Caper (Capparis spinosa L.), chemical composition and medicinal uses. Bulletin of the National Research Centre 45, 131, https://doi.org/10.1186/s42269-021-00592-0

One Reply to “”

  1. Merci , une fois de plus, pour vos chroniques. Je me souviens de la poésie de quelques plants de capriers, poussant entre les pierres blanches et poussiéreuses de la ville étrange et belle de Matera. cordialement Sylvie

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