Le lys de mer, souvenir de jeunesse.

Le lys de mer (Pancratium1 maritimum2 L., 1753), aussi nommé jonquille des mers, lis de mer, lis des sables, lis maritime, lis mathiole, lys de Phénicie, pancrace maritime (allemand : Meerstrands-Gilge ; catalan : assutzena d’arenal, lliri d’arenal, lliri de mar, lliri mari ; anglais : sand lilly, sea daffoodil, sea lilly ; espagnol : azucena de mar, azucena marina, nardo coronado, nardo marino, pancracio ; grec : Θαλασσόκρινος, Κρίνος, ΚρίνοςτηςΆμμου, Κρίνοςτηςθάλασσας, Παγκράτιοτοπαράλιο ; hollandais : strand-pankrazlilie ; italien : giglio marino) est pour moi un souvenir de vacances aoûtiennes adolescentes avec mes parents et ma sœur sur la Côte d’Azur – plus précisément des dunes quasi sauvages, il y a 50 ans, de la plage de Pampelonne de la presqu’île de Saint-Tropez, sur la commune de Ramatuelle dans le Var. Cette plante est la plus nordique du genre Pancratium qui comprend de nombreuses espèces africaines3. C’est une Amaryllidacée à la floraison magnifique tant par ses formes très esthétiques que par sa blancheur immaculée et son doux parfum qui s’exhale au crépuscule, que j’ai retrouvée depuis, toujours avec plaisir, ailleurs sur les côtes de la Méditerranée et de l’Atlantique.


Pieds de lys de mer, plage de l’île de Kos, Ddécanèse, Grèce©DK


C’est une vivace bulbeuse herbacée géophyte psammophyte de 20-60 cm de haut, glabre à très gros bulbe ovoïde blanc porteur de fortes racines, profondément enterré (2n = 22, 23, 24, 28, 44)4. Ses feuilles sont larges de 5-20 mm, vert glauque, dépassant la tige robuste, comprimée et pouvant atteindre 75 cm. Elles se dessèchent lors de la floraison, en se tordant en spirales et repoussent fin septembre.
En France, la floraison s’étale de juillet à septembre. La pollinisation est entomogame. Les fleurs élégantes, grandes et très blanches, au parfum fruité et exotique, forment des ombelles en bout de tiges par 3-5, rarement15. Elles sont très caractéristiques avec une grande spathe pouvant dépasser 10 cm, à valves plus courtes que le tube floral, des bractéoles linéaires, un périanthe long à tube étroit, dilaté dans son quart supérieur plus long que le limbe à divisions lancéolées-linéaires et une coronule (grande couronne en entonnoir), soudée au périanthe dans son tiers inférieur et égalant les deux tiers de ses divisions, à 12 dents triangulaires-pointues placées 2 à 2 entre chaque étamine jaune à filet court. Le fruit charnu est une capsule quasi sphérique. Il contient de grosses graines comprimées noires, qui sont dispersées par l’eau et le vent.


Bulbe et feuilles, © ; détails de la fleur, Gruissan, Aude, ©TelaBotanica-Ciliata11 ; Fruit déhiscent et graines, Hyères, Var ©TelaBotanica-FMadic


Cette espèce de pleine lumière est native des îles Canaries, de côtes atlantiques et de celles de la Méditerranée et de la mer Noire. Elle a été introduite selon le Jardin royal de Kew aux Açores, aux Bermudes, au Royaume-Uni et dans certains états des USA (Illinois et Tennessee notamment)5. Sensible au gel en dessous de -6°C, elle est inféodée aux sables maritimes des dunes littorales où elle participe à leur stabilisation. Menacée par les constructions et le tourisme excessif en bord de mer, et ce d’autant plus qu’elle fleurit à une saison où les fleurs sont rares en raison de la chaleur, elle est aujourd’hui protégée dans différentes régions de France6 et aussi à l’étranger.

Cette espèce a été cultivée sur les côtes méditerranéennes durant l’Antiquité pour son potentiel ornemental – lequel pourrait être relancé7, et ses fleurs ont souvent été représentées sur des fresques de divers sites archéologiques8 datant de l’Âge de Bronze en Crète et en Grèce. Il semble que les Minoens et les Grecs aient pu utiliser ses graines comme condiment et qu’ils en consommaient les bulbes, bien qu’ils contiennent des alcaloïdes9, après cuisson.


Distribution native de l’espèce en vert ; introductions en violet ©KewGarden


D’un point de vue symbolique, chez les Grecs, cette plante était liée à la mort et à la résurrection et dédiée à la déesse chtonienne Perséphone, fille de Demeter. Les Chrétiens voient en elle par récupération un symbole de résurrection.

D’un point de vue médicinal, l’espèce est traditionnellement considérée comme antimicrobienne, purgative, hypotensive et est employée pour traiter l’asthme et le paludisme. La pharmacopée turque utilise également les alcaloïdes des bulbes pour lutter contre certains cancers, tel celui du colon. En Egypte, des extraits de fleurs ont été envisagés pour traiter les patients atteints d’Alzheimer10.

Alain Bonjean, 143e article
Orcines, le 14 août 2023

Mots-clefs : lys de mer, Pancratium maritimum, Amaryllidacée, plante bulbeuse, géophyte, psammophyte, plante ornementale, plante alimentaire antique, plante médicinale

1 – Etymologiquement, le préfixe « pan » signifie tout et la racine « cratys » puissant.

2 – « Maritimum » signifie du bord de mer.

3 – O. de Castro et al. (2012). Phylogenetic and biogeographical inferences for Pancratium (Amaryllidaceae), with an emphasis on the Mediterranean species based on plastid sequence data. Botanical Journal of the Linnean Society 170, 12-28.

4 – S. Buord et al. (2002). Originalités du patrimoine botanique de l’arc dunaire Gâvres-Quiberon et perspectives de préservation de cet espace naturel remarquable. Acte des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques 124, 6, 31-45, Originalités du patrimoine botanique de l’arc dunaire Gâvres-Quiberon et perspectives de préservation de cet espace naturel remarquable – Persée (persee.fr)

5Pancratium maritimum L. | Plants of the World Online | Kew Science

6Pancratium maritimum – statut – eFlore – Tela Botanica (tela-botanica.org)

7 – R. Paradiso et al. (2019). Evaluation of Spontaneous Species for the Innovation in Floriculture: Pancratium maritimum L. as Ornamental Plant. Acta Hort. 881, 563-566; U. Sirin et al. (2017). In vitro propagation of Sea daffodil (Pancratium maritimum L.) using seedling explants. PSP 26, 12A, 7710-7716.

8 – J. Pouris, S. Rhizopoulou (2018). On Pancratium maritimum (sea daffodil, sea lilly, sand lilly). Horticultural International Journal 8,3, 116-118.

9 – S. Berkov et al. (2014). Alkaloids in Bulgarian Pancratium maritimum L. Verlag der Zeitschrift für Naturforschung, Tübingen 65-69, http://www.znaturforsch.com/

10 – MM. Soltan et al. (2015). Egyptian Pancratium maritimum L. flowers as a source of anti-Alzheimer’s agents. Bulletin of Pharmacy, Cairo University, Egyptian Pancratium maritimum L. flowers as a source of anti-Alzheimer’s agents – ScienceDirect

2 Replies to “Le lys de mer, souvenir de jeunesse.”

  1. Intéressant !
    Je découvre qu’une espèce donnée puisse avoir une variabilité telle en nombre de chromosomes (2n = 22, 23, 24, 28, 44).
    A vrai dire, je ne savais pas que ce nombre pouvait être impair !
    Je ne dirais pas non à un article sur ce sujet précis…

    Pour ce qui est de l’usage ornemental, c’est difficile d’utiliser des plantes dont les feuilles sont sèches au moment de la floraison.
    On est face à un blocage culturel qui considère qu’un feuillage dépérissant n’a pas sa place dans un lieu décoratif.
    Il faut aller en Angleterre pour voir des utilisations formidable d’ail ornemental qui ont pourtant le même type de cycle de végétation.
    En tout cas merci pour cette vulgarisation.

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