Le liseron d’eau, un légume mal connu en France

Grand classique des cuisines tropicales, le liseron d’eau (Ipomoea1 aquatica Forssk., 1775), dit aussi épinard d’eau, ipomée aquatique, patate aquatique ou kangkong (allemand : Trichterwinde ; anglais : Chinese spinach, swamp morning glory, water spinach ; bengali: কলমি kalami ; espagnol : batata acuática, batata aquática ; hindi : कलमी kalmi ; indonésien et malaisien : kangkung ; khmer : trokuon ; mandarin : 蕹菜weng cai ; portugais : batata acuática, batata aquática ; télugu : తీగబచ్చలి tigabaccali ; thaï : phak bung ; vietnamien : rau muong) est un légume-feuille aquatique de la famille des Convolvulacées.

Culture traditionnelle en Asie du Sud-Est ; plants récoltés pour commercialisation ©CKöppel, 2014


C’est une espèce herbacée pérenne semi-aquatique2, voire annuelle, terrestre rampante ou flottante, à tiges épaisses, creuses, contenant un suc blanc laiteux, ramifiant aisément et s’enracinant aux nœuds (2 n = 30, génome de 550 Mb). Elle peut atteindre 3 à 6 m, voire 21 m de long. Ses feuilles alternes, au pétiole glabre de 3-15 cm de long ont un limbe de 8-17 cm de long par 4-8 cm de large, glabre ou rarement pileux, souvent de forme sagittée mais pouvant varier à des formes tronquées, cordées ou hastée à la base, aiguë ou obtuse et mucronée à l’apex, tout en étant toujours à marge entière. Les fleurs sont solitaires ou groupées en cymes axillaires par 3-5, portées un pédoncule de 1,5-8 cm et des pédicelles de 2-5 cm. Elles sont grandes, enformes d’entonnoir, ressemblant à celles du volubilis. Plusieurs races sont reconnues sans désignation taxonomique officielle selon des conditions de croissance, terrestres ou aquatiques et de la couleur des plantes et des fleurs (plantes verdâtres à fleurs blanches ou plantes violacées à fleurs lilas). Le fruit est une capsule ovoïde ou sphérique, ligneuse à maturité de 7-8 mm de long, contenant 2-4 graines trigones, brunes ou noires, souvent à poils courts.

Plante en fleurs ©RKewGarden ; détails de fruits immatures ©Plague-CC


Au niveau alimentaire3, les jeunes pousses du liseron d’eau, tiges et feuilles, peuvent être consommés crues. Elles sont aussi préparées dans l’eau bouillante comme des épinards ou légérement cuites à l’huile au wok pour accompagner d’autres mets. Une petite proportion est mise en conserve. Ces divers plats, peu caloriques, restent hautement nutritifs.

Valeur nutritionnelle du liseron d’eau brut par 100g4

Cette plante est également utilisée comme fourrage, notamment pour les porcs, les chèvres, les oies, les canards, les poules et certains poissons herbivores.

Le liseron d’eau riche en fer, en vitamine U (S-méthyl méthionine) et en antioxydants a des usages médicinaux traditionnels5 en Asie depuis au moins 200 av. J.C., sans doute beaucoup plus, qui sont désormais répandus partout où elle pousse : elle traite les troubles gastriques et intestinaux ainsi que la jaunisse, elle réduit le cholestérol, elle aide à lutter contre l’anémie et favorise la lactation, détoxifie l’organisme de l’arsenic et de l’opium, etc. .

L’espèce pourrait être native de Chine6. Toutefois, diverses données relatives à ses utilisations alimentaires, aux régions de culture, à son usage médicinal, aux études phylogénétiques, aux noms communs et aux pathogènes suggèrent que le liseron d’eau aurait été cultivé pour la première fois en Asie du Sud-Est7. Sauvage ou cultivé, il est aujourd’hui largement utilisé dans les cuisines malaisienne, philippine, indochinoise, chinoise et indienne. A partir du XVIe siècle, les navigateurs et explorateurs européens l’ont répandu d’Asie dans le reste des territoires intertropicaux de la planète. Pour mémoire, durant la Seconde guerre mondiale, au cours de l’occupation japonaise de Singapour et de pays voisins, ce légume a sauvé bien des populations asiatiques de la faim, un peu comme le topinambour et le rutabaga en Europe sous l’occupation nazie .

Même s’ils en produisent dans certains états, les USA, considèrent l’espèce comme invasive en Californie, à Hawaï, en Floride et à Puerto Rico8 car elle peut former des tapis denses sur la surface des plans d’eau, tels que les lacs, les étangs, les marais, les canaux et les fossés ainsi que sur leurs berges. En effet, elle se propage rapidement à partir de fragments de plantes et ses graines flottantes permettent une colonisation efficace de nouvelles zones, pouvant bloquer la circulation de l’eau douce et gêner le passage des bateaux.

Cultures de jeunes pousses de liseron d’eau en enceintes contrôlées, VIF-Systems ©SGarnier

Les efforts de sélection9 du liseron d’eau sont aujourd’hui concentrés en Asie (nord de la Thaïlande, Vietnam, Inde et Chine du Sud). Il se focalisent principalement sur un développement rapide, la recherche de tiges épaisses tendres et l’absence de pousses latérales pour une récolte unique. Certaines firmes d’agriculture en enceintes contrôlées commencent de s’y intéresser notamment en Amérique du Nord et en Europe10.

Vous devriez donc commencer d’en trouver plus souvent en supermarchés.

Alain Bonjean, 148e article
Orcines, le 1er octobre 2023

Mots-clefs : liseron d’eau Ipomoea aquatica, Convolvulacée, légume semi-aquatique, zone intertropicale, plante alimentaire, plante médicinale mineure, espèce invasive,

1 – Le genre Ipomoea comprend environ 500 espèce, et se rencontre principalement dans les tropiques.

2The chromosome-based genome provides insights into the evolution in water spinach | Request PDF (researchgate.net) ; IntlJBotany.pdf

3Ipomoea aquatica (swamp morning-glory) | CABI Compendium (cabidigitallibrary.org) ; Ipomoea aquatica (Water spinach) – THE WORLDWIDE VEGETABLES (weebly.com) ; Ipomoea aquatica, An Underutilized Green Leafy Vegetable:A Review (scialert.net)

4Ipomoea aquatica (Water spinach) – THE WORLDWIDE VEGETABLES (weebly.com)

5Ipomoea aquatica (Water spinach) – THE WORLDWIDE VEGETABLES (weebly.com) ;M.N. Manvar, T.R. Desai (2013). Phytochemical and pharmacological profile of Ipomoea aquatica. Indian J. of Med. Sciences 67,3-4.

6 – H.H. Edie, W.C.B. Ho (1969). Ipomoea aquatica as a vegetable crop in Hong Kong. Econ. Bot. 23, 32-36.

7 – D.F.F. Austin (2007). Water spinach (Ipomoea aquatica, Convolvuceae) a food gone wild. Ethnobotany Research and Applications 5, 123-146; H.L. Li (1970). The origin of cultivated plants in Southeast Asia. Economic Botany 24, 3-19; Ipomoea aquatica (Water spinach) – THE WORLDWIDE VEGETABLES (weebly.com)

8water spinach (Ipomoea aquatica) – Species Profile (usgs.gov)

9 – M. Gangopadhyay et al. (2021). Wayer spinach (Ipomoea aquatica Forssk.) breeding. In: Advances in Plant Breeding Strategies: vol.9 Vegetable crops, chap. 5. The Netherlands, Springer, 183-215;

10 – I. Pinker, U. Bubner and M. Böhme (2020). Selection of water spinach (Ipomoea aquatica Forssk.) = Genotypes for protected cultivation in temperate regions. Proc. I.C. on Indig. Veg. and Legumes, Eds. M.L. Chadha et al. Acta Hort 752, ISHS, 441-448; Vertical farming in space: Vertical Future researches ‘out of this world’ water spinach cultivation (foodnavigator.com) ; D. Chandrakar et al. (2020). Evaluation of water spinach (Ipomoea aquatica Forsskal) genotypes under vertical farming (wall cultures). Int. J. of Chemical Studies DOI:10.22271/chemi.2020.v8.i4al.10132

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